Wednesday 15 July 2020

Vingt leçons de tango : Quinzième partie : Travaillez fort, ayez du plaisir

En tango, travail et plaisir vont de pair.

Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises au sujet et par l’intermédiaire de cette danse si plaisante et si exigeante.

Leçon no 15 : Travailler fort et avoir du plaisir ne sont pas mutuellement exclusif.

Quelque part entre les phases débutant et intermédiaire, il devient clair pour plusieurs sinon la plupart des élèves de tango que cette danse sociale amusante est plus difficile et requiert plus de travail qu’ils n’avaient anticipé.

Cette prise de conscience peut avoir une variété d’effets sur les personnes.

Certains concluent que de passer des heures à pratiquer chaque semaine et à subir des blessures à leur ego par les corrections qu’ils reçoivent de leurs enseignants n’est pas la plaisante activité de couple qu’ils avaient en tête et ils abandonnent.

D’autres continuent, mais ils cessent de progresser. Ils ont éventuellement acquis suffisamment de mouvements et de partenaires pour s’amuser aux milongas. Alors pourquoi tuer leur plaisir en travaillant des choses difficiles et ennuyantes telles que la posture et – beurk – la technique? Ils sont satisfaits de ce qu’ils ont atteint et ils ne se sentent pas motivés à aller plus loin.

Puis il y a ceux qui sont alimentés par les défis présentés par cette danse à la fois simple et complexe, et ils travaillent encore plus fort, se sentant récompensés chaque fois qu’ils surmontent une difficulté, pour n’être confrontés qu’à la difficulté suivante. Pour ces danseurs, le dur labeur n’est pas seulement un moyen pour atteindre une fin, c’est en lui-même une large part de leur plaisir.

Ce qu’il y a de bien, c’est que plus vous travaillez fort, plus ça devient facile. Au fur et à mesure que vous améliorez votre posture et votre alignement, que vous fortifiez vos jambes et développez vos habiletés de communication tango, plus l’effort physique et mental pour danser diminue ainsi que tout le multitâche que ça requiert. Alors, si vous avez l’impression de vouloir abandonner prochainement, je vous suggère de poursuivre votre lecture et de persévérer encore un peu.

Voici quelques façons d’avoir du plaisir tout en travaillant fort pour améliorer votre danse :

Concentrez-vous sur les choses importantes. Presque tous les débutants sont impressionnés par les mouvements élaborés qu’ils voient dans les spectacles et sur YouTube. Les danseurs se mettent de la pression (ainsi qu’à leurs partenaires) pour apprendre des tas et des tas de mouvements élaborés et d’en exécuter le plus possible à chaque danse. Vos enseignants vous disent sûrement que les mouvements ne sont pas la chose importante, mais ceci n’est pas facile à croire à nos débuts. Après tout, c’est difficile de comprendre l’importance d’une étreinte bienveillante et confortable, de la précision musicale et d’une maîtrise de l’art de naviguer la piste de danse quand on n’a pas encore ressenti le plaisir dérivé de ces choses. Que puis-je dire d’autre que: "Croyez-nous!" Quelques mouvements simples bien exécutés dans le cadre d’une étreinte confortable et sincère, une musicalité précise et enjouée, ainsi qu’un déplacement fluide sur la piste de danse sont un bien meilleur objectif et bien moins stressant que d’essayer de mémoriser et d’exécuter tous les mouvements et adornos fous que vous avez vus. Oui, vous avez besoin d’un vocabulaire, mais vous n’avez pas besoin d’utiliser tout votre vocabulaire tout le temps.

Croyez que le dur labeur apporte ses propres récompenses. Le processus d’apprentissage et de pratique ne sont pas qu’un moyen pour atteindre une fin. Il y a beaucoup de satisfaction à retirer du simple fait de faire un effort. Ceci est plus vrai en tango que nulle part ailleurs. Et bien des récompenses viendront automatiquement de ce travail, allant de devenir un partenaire de tango de plus en plus recherché, à l’amélioration des fonctions cérébrales (comme le démontrent de plus en plus d’études), au maintien d’une bonne posture et de la mobilité des articulations tout au cours de notre vie.

Concentrez-vous plus sur l’amélioration personnelle que sur ce que les autres font de mal. Concentrez-vous sur les défauts de votre partenaire et il est certain que vous en trouverez de plus en plus. Ceci mènera à de la frustration et de l’impatience des deux côtés. Mais concentrez-vous sur ce que vous pouvez faire pour rendre votre partenaire plus confortable et la danse se déroulera certainement plus en douceur, même si votre partenaire n’est pas très bon. Soyez contrarié chaque fois qu’un autre couple vous coupe ou est un peu trop près, et vous perdrez beaucoup de temps à vous sentir contrarié. Élaborez quelques solutions amusantes prêtes à utiliser face à ces réalités inévitables et vous pouvez transformer toute l’affaire en une sorte de jeu. Vous avez probablement entendu dire que vous ne pouvez pas contrôler les événements, seulement comment vous réagissez face à eux. Sur la piste de tango, ceci signifie que vous ne pouvez contrôler comment vont réagir votre partenaire ni les autres couples, mais vous avez le contrôle de la façon dont vous gérez votre réaction. Alors, lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu, ou qu’elles vont tout simplement mal, résistez à l’envie d’émettre des sons d’impatience ou de corriger votre partenaire. Choisissez plutôt d’examiner et de travailler vos habiletés: vous tenir plus droit, abaisser vos épaules, rapprocher vos jambes entre les pas, écouter davantage, ralentir. Vous aurez travaillé à vous améliorer, à donner à votre partenaire une expérience plus agréable et par la même occasion à faire de vous un danseur plus désirable.

Rappelez-vous que les autres ne sont pas responsables de vos mauvaises soirées. Parfois vous aurez de mauvaises soirées, peu importe qui vous êtes. Peut-être qu’à la leçon de la semaine dernière vous avez enfin senti que vous avanciez dans la courbe d’apprentissage. Mais ce soir, vous n’avez pas seulement atteint un plateau, vous avez frappé un mur. Peut-être que vous êtes arrivé à la milonga habillé sur votre 36 prêt à danser toute la nuit, mais vous n’avez obtenu que deux tandas et les deux étaient de qualité inférieure. Aussi dur que ce soit, la meilleure chose à faire est d’accepter qu’en effet, vous avez eu une soirée décevante, et passez à autre chose. Ne vous complaisez pas dans votre malheur, ne blâmez pas votre partenaire inadéquat, n’éprouvez pas de ressentiment envers votre enseignant ou les organisateurs de la milonga, et ne tenez pas rancune à tous les danseurs qui ne vous ont pas invité. Et n’allez pas non plus ventiler votre frustration partout sur Facebook. Ressentez comment vous vous sentez, acceptez les événements et ce que vous en pensez, puis faites ce que vous pouvez pour laisser aller. Ne laissez pas non plus une mauvaise soirée (ou même deux ou trois) vous détruire. Utilisez-le plutôt pour vous motiver à vous avancer sur la courbe d’apprentissage. Enregistrez-vous pour une leçon privée, demandez conseil à un enseignant ou à un danseur que vous admirez, faites des arrangements pour pratiquer avec un ami, prenez une entente avec votre partenaire d’être moins critiques l’un envers l’autre pendant les cours.

Tous les jours je vis cet équilibre entre travailler fort et s’amuser fort dans l’exploitation de mon entreprise. Oui, je travaille fort, très, très fort. Plusieurs personnes le font, et quiconque exploite de près une petite entreprise le fait. Le travail me dépasse parfois et il y a des jours que cela me déprime. Je me préoccupe de mes pieds blessés, je suis frustrée de ma propre danse, j’ai des confrontations avec mon partenaire (lequel travaille tout aussi fort), j’affronte une compétition agressive, je grimace face au solde de mon compte de banque… mais les récompenses! Je suis constamment entourée de mouvement, de musique et de merveilleuses personnes. À chaque semaine je danse, j’enseigne, j’organise des soirées et je crée des listes de lecture de mes musiques préférées. Alors j’ai aussi du plaisir. Tellement de plaisir. Non pas malgré, mais à cause du fait que je travaille vraiment, vraiment fort.

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