Saturday 24 October 2020

Terminologie du tango

Un guide de quelques termes couramment utilisés dans le tango argentin. Cette liste est un travail en cours. N'hésitez pas à m'envoyer vos questions, corrections ou suggestions.


Abrazo. Câlin. L'enlacement ou l’étreinte du tango ou la position des bras dans la danse. Les danseurs peuvent utiliser un abrazo abierto, ou enlacement ouvert, en maintenant une certaine distance entre les hauts du corps, ou bien un abrazo cerrado, ou enlacement rapproché, avec contact entre les partenaires au niveau du torse. La danse rapprochée est plus difficile à maîtriser pour la plupart, mais elle a également tendance à être le choix préféré des milongueros et milongueras de haut niveau. Voir aussi Milonguero.

Adelante. Vers l'avant.

Adorno. Ornement, embellissement ou décoration. Parfois appelé dentelle en français. Les adornos sont des jeux de pieds ajoutés par l'un ou l'autre des partenaires pendant les paradas et les pauses ou entre les actions.

Apertura. Aperture ou ouverture. Utilisé pour décrire une salida de côté, spécifiquement avec la jambe gauche du guideur. Voir Salida.

Arrastre. Traîne. Voir Barrida.

Atrás. En arrière.

Balanceo. Balancement. Des transferts de poids partiels ou mini-rebonds, utiles pour éviter les collisions, jouer avec le rythme et faire des changements de direction dans les petits espaces. Peut aussi faire référence à un léger déplacement de poids d'un pied à l'autre sur place et en rythme avec la musique au début d'une danse. Aussi appelé cadencia.

Baldosa. Tuile. Voir Cuadrado.

Barrida. Balayage. Le pied d'un partenaire entre en contact avec le pied de l'autre puis le déplace vers une nouvelle position sur le sol sans perdre le contact. Aussi appelé arrastre.

Boleo. Parfois écrit voleo. Un mouvement où la jambe libre fait une projection ou un coup de pied vers l'arrière, vers l'avant ou enveloppant, normalement en réponse à un changement d'énergie ou de direction, le plus souvent un changement de pivot. Le mot vient probablement de boleadoras, un type d'arme à lancer faite de poids aux extrémités de cordes, autrefois utilisé par les gauchos pour capturer des animaux en emmêlant leurs jambes et maintenant utilisé comme instrument de percussion dans un type de danse folklorique argentine. Certains soutiennent que voleo est l'orthographe correcte, dérivant du mot volear, l'acte de lancer une volée en sports. Notez qu'il n'est jamais épelé (ou prononcé) «bolero», qui peut se référer soit à un genre entièrement différent de musique et de danse latines, soit à une veste courte inspirée de celles portées par les toreros espagnols.

Cabeceo. Hochement de la tête. Du mot cabeza, qui signifie tête. Il fait référence à la technique traditionnelle et non verbale du regard (mirada) et du mouvement de tête (cabeceo) pour inviter les partenaires de danse à distance dans les milongas. Voir également Mirada. Pour en savoir plus sur le cabeceo, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Cadencia. Voir Balanceo.

Calesita. Carrousel. Une figure dans laquelle le leader contourne sa partenaire tout en la gardant pivotante sur sa jambe d’appui.

Caminata. Marche. Généralement considérée comme le véritable pas de base du tango argentin. Les grands danseurs de tango sont appréciés avant tout pour la qualité de leur marche.

Candombe. Un type de danse à l'origine dansée par les descendants d'esclaves noirs dans la région du Río de la Plata et toujours vue à Montevideo, en Uruguay. La musique d'origine africaine a un rythme marqué joué sur une sorte de tambour appelé «tamboril». Il survit aujourd'hui comme fond rythmique de certaines milongas. Voir une prestation musicale du candombe moderne «Tango Negro».

Canyengue. Un style de tango très ancien du tout début du 20e siècle. La musique de cette période avait un tempo 2/4 plus rapide ou dynamique, de sorte que la danse avait une saveur rythmique similaire à celle de la milonga moderne. Un abrazo très rapproché a été utilisé ainsi que des éléments uniques de posture, d'étreinte et de jeu de pieds. Regardez un exemple de la danse canyengue ici.

Colgada. Littéralement, cela signifie suspendu. Dans le tango, c'est un type de mouvement hors axe en position «V», où les pieds du couple restent proches et les hauts du corps s’éloignent. L’équilibre des deux danseurs repose sur une force de contrepoids qu’ils exercent ensemble dans une direction opposée.

Cortina. Rideau. En tango, ça décrit le clip de musique de 30 à 60 secondes qui sert d’intermède entre les tandas ou les «sets» de musique. En principe, une cortina ne doit pas être dansée. On choisit donc un style de musique en dehors de l'univers musical du tango.

Cruce. Désigne la position croisée de base utilisée le plus souvent par la guidée, dans laquelle la jambe gauche croise devant la droite. À ne pas confondre avec le système croisé.

Cuadrado. Carré ou boîte. Parfois appelé baldosa, ou tuile. Une séquence de base en 6 temps composée de pas en avant, en arrière et de côté.

Enganche. Toute action d'accrochage de jambes. Semblable et souvent interchangeable avec gancho.

Enrosque. Vis. Un adorno dans lequel on pivote sur place en gardant les pieds croisés. Souvent fait par des guideurs de haut niveau pendant un giro.

Gancho. Crochet. Un mouvement dans lequel vous accrochez ou attrapez la jambe de votre partenaire avec la vôtre. Notez qu'il s'agit d'un «gancho» et non d'un «gaucho». Un gaucho est un cowboy argentin. 

Giro. Tour. Un partenaire, généralement le leader, tourne plus ou moins sur place pendant que la guidée fait une sequence appellée molinete autour de lui (ou d'elle). Voir aussi Molinete.

Guidée. Le partenaire dansant ce qui était traditionnellement le rôle de la femme. Aujourd'hui, nous trouvons des couples non traditionnels sur la plupart des pistes de danse, donc dans l'intérêt de l'inclusivité et du politiquement correct, ainsi que pour simplement refléter les réalités modernes, il y a eu un mouvement général pour cesser d'utiliser les termes «homme» et «femme» dans le contexte des rôles de danse de tango et d’utiliser des mots plus neutres comme «guideur» (ou «leader») et «guidée». Le problème est que ces mots limités sont des descriptions assez erronées de ce que sont les deux rôles. D’une part, les mots français ont un genre masculin et féminin alors qu’en anglais leader et follower n'en ont pas. D’autre part, ils donnent l'impression que la personne qui guide est le partenaire dominant et que celle qui suit est passive ou soumise. Les termes ne décrivent vraiment pas ce qui se passe réellement entre les deux partenaires. Le processus beaucoup plus complexe ressemble à ceci: le «leader» invite la «guidée» à exécuter un mouvement; la «guidée» exécute le mouvement qu'il ou elle a ressenti et le «leader» suit son partenaire à travers l'achèvement de ce mouvement, que ce soit ou non le mouvement qu'il ou elle a voulu, et tout le processus recommence. En plus, une guidée d'expérience peut influencer les choix de son guideur en ajoutant des adornos ou des interprétations musicales. Certains vont même jusqu'à dire que la «guidée» est en fait le vrai leader, car quelle que soit l’intention initiale du leader, il (ou elle) doit donner suite à l’interprétation et à l’exécution de son guide par son partenaire. Voir aussi Guideur.

Guideur ou Leader. Le partenaire dansant ce qui était traditionnellement le rôle de l’homme. Il y a eu un mouvement général pour cesser d'utiliser les termes «homme» et «femme» dans le contexte des rôles de danse de tango et d’utiliser des mots plus neutres comme «guideur» (ou «leader») et «guidée». Le problème, c’est que ces termes donnent l'impression qu'un rôle est plus dominant que l'autre et ils ne décrivent vraiment pas ce qui se passe réellement entre les deux partenaires, qui est beaucoup plus complexe et nuancé. C’est intéressant de noter que les termes «guideur» et «guidée» ne sont pas vraiment utilisés en espagnol. Lorsqu’on fait référence aux partenaires, souvent les professeurs hispanophones continuent à dire simplement «hombre» (homme) et «mujer» (femme), qui ne sont pas neutres sur le plan du genre, mais ont l'avantage de ne pas limiter les partenaires à un rôle actif et un rôle passif. Lorsqu'ils se réfèrent à l'action du leader, ils disent «marcar», ce qui signifie marquer ou indiquer, pas diriger. La femme ou guidée «acompaña» (accompagne) ou «se deja llevar» (se laisse guider), ce qui a une connotation moins passive et implique que c'est son choix. N'oublions pas qu'au début du 20ième siècle, quand il y avait beaucoup plus d'hommes que de femmes en Argentine, les hommes apprenaient le tango ensemble, pratiquant et maîtrisant les deux rôles avant d'avoir le privilège de danser avec une femme. Voir aussi Guidée.

Lápiz. Crayon. Des embellissements circulaires «dessinés» au plancher par un ou l’autre des partenaires.

Marca. Marque. Le guidage.

Milonga. Ce mot a un triple sens, donc il peut être mêlant pour les novices.
  1. Un des trois genres musicaux qui composent le tango argentin : tango, milonga et vals (valse). La milonga est jouée sur une mesure à 2/4. (Le tango peut être en 2/4 ou 4/4 et la valse est en 3/4.) La milonga est très rythmée, avec des temps fortement accentués, contient souvent un rythme "habanera" sous-jacent et est généralement plus rapide et plus joyeuse que la musique de tango. Elle a son propre style de danse pour l'accompagner, dans lequel les danseurs évitent de faire des longues pauses, restent la plupart du temps dans le système parallèle et utilisent souvent des pas à double temps, appelés traspié en milonga. La danse milonga utilise les mêmes éléments de base que le tango, avec un fort accent sur le rythme, et des figures qui ont tendance à être moins complexes que beaucoup de celles utilisées dans le tango. 
  2. Le nom donné à tout lieu dédié au tango argentin, normalement une école de danse où l'on tient également des activités dansantes comme des prácticas et des milongas.
  3. Le nom donné à un événement de danse social de tango argentin.
Alors vous vous habillez pour aller danser dans une milonga, où vous entendrez et danserez sur la milonga.
Cliquez pour regarder mon partenaire et moi danser une milonga à notre milonga.

Milonguero/Milonguera. Un danseur ou une danseuse qui fréquente les milongas (contrairement à un danseur de scène, par exemple). Généralement, on réserve la définition de milonguero/a pour les danseurs d'un certain niveau. Milonguero peut aussi faire référence à un vieux style de tango dans lequel le couple maintenait un abrazo tellement rapproché que la guidée ne pouvait pas vraiment tourner ses hanches, ce qui a donné naissance à des figures où des ochos pivotés sont remplacés par des pas croisés, comme le ocho cortado et le ocho milonguero.

Mirada. Regard. Jumelée au cabeceo, la mirada complète le système traditionnel et non-verbal pour la sélection des partenaires de danse dans la milonga. Voir aussi Cabeceo. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Molinete. Littéralement, cela signifie moulin, mais en danse, cela fait référence à la séquence qu'on appelle «grapevine». Fait de la série de pas avant-côté-arrière-côté (ou parfois avant-ensemble-arrière-ensemble), il est le plus souvent dansé en cercle par la guidée autour du leader pour faire un giro. Voir aussi Giro.

Ocho. Huit. Une combinaison de pivots avec des pas en avant ou en arrière qui, lorsqu'elles sont effectuées par paires, dessinent la forme d'un huit au sol. Il y a plusieurs sortes de ochos:
  • Ocho adelante. Huit en avant.
  • Ocho atrás. Huit en arrière.
  • Ocho cortado. Huit coupé. Le pivot en avant est interrompu pour produire un balancement de côté abrupt suivi d'un retour direct à la position croisée.
Parada. Arrêt. Le leader arrête l'action de la guidée plaçant simultanément son pied contre le sien. Souvent utilisé en combinaison avec le sandwich. Voir aussi Sandwich.

Pas de base. Voir Paso básico.

Paso básico. Pas de base. Alors que le véritable pas de base du tango argentin est généralement considérée comme la marche, cette structure en huit temps est utilisée comme séquence d'enseignement de base depuis des décennies. C'est une petite séquence remarquablement controversée. Encore utilisée par de nombreux instructeurs, elle est boudée par d'autres. Les partisans croient que c'est une séquence pédagogique utile qui contient des éléments essentiels, y compris les pas en avant, en arrière et de côté ainsi que la position croisée; les détracteurs disent qu'il est inutile d'enseigner un «pas de base» que les danseurs n'utiliseront pas comme tel dans la danse sociale réelle ou sur lequel ils deviendront dépendants, pouvant les empêcher d'apprendre à improviser comme il faut.

Práctica. Pratique. Un événement de danse tango moins formel qu'une milonga. Les codes de conduite et le suivi de la ronda sont généralement moins strictement appliqués pendant les prácticas, de sorte que les danseurs peuvent travailler sur leurs mouvements et leur technique, et parler en dansant est toléré. Il est généralement suggéré que les étudiants de tango fréquentent les prácticas pendant un certain temps avant de passer aux milongas. Lors d'une pratique, des enseignants peuvent ou non être présents et peuvent ou non diriger la pratique en suggérant ou en enseignant des exercices ou des figures.

Rebote. Rebond. Une action de balanceo où les danseurs reviennent en arrière, poussant contre le sol pour retourner à la position précédente.

Ronda. Littéralement, cela signifie un rond. Dans le tango, c'est ce que nous appelons habituellement la «ligne de danse» en français. La ronda du tango circule toujours dans le sens antihoraire autour de la piste de danse. On s'attend à ce que les couples suivent le flux général des danseurs devant eux, résistant à l'envie de couper devant les danseurs plus lents ou de rester à un endroit bloquant la circulation pendant que les autres continuent d'avancer. Sur les plus grandes pistes de danse, il peut y avoir plusieurs rondas à la fois, une sur le bord extérieur de la piste, généralement réservée aux danseurs plus expérimentés et disciplinés, et jusqu'à trois autres ronds plus petits à l'intérieur, comme des voies sur une piste de course. C'est mal vu de zigzaguer au hasard d'une voie à l'autre; les changements doivent être effectués en modération et avec prudence. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Sacada. Du verbe «sacar» qui veut dire enlever. Dans le tango, un partenaire entre directement dans l’espace de son partenaire, obligeant apparemment le partenaire à changer de place et provoquant parfois un embellissement de la part de l’autre personne en cas de contact avec la jambe libre.

Salida. Littéralement ça veut dire sortie, mais ça fait référence au pas d'ouverture d'une danse ou d'une séquence.

Sandwich. Aussi appelé sanguche, sanguchito ou mordida (morsure). Pendant une parada,
un partenaire prend le pied de l’autre entre les siens. Voir Parada.

Sistema cruzado. Système croisé. Fait référence à la relation de marche entre les deux partenaires. Lorsque le leader marche en ligne avec son partenaire, nous l'appelons «système parallèle», essentiellement juste le système de marche normal avec les partenaires marchant en même temps, mais sur des jambes opposées: la gauche du leader et la droite de la guidée ou vice-versa. Dans le système croisé, les deux partenaires marchent en fait avec la même jambe, gauche et gauche ou droite et droite. Au moins 50% des figures utilisent le système croisé. Les ochos, par exemple, se déroulent le plus souvent en système croisé. Voir aussi Sistema paralelo.

Sistema paralelo. Système parallèle. Lorsque le leader marche en ligne avec sa partenaire, nous l'appelons «système parallèle», essentiellement juste le système de marche normal avec les partenaires marchant en même temps, mais sur des jambes opposées: la gauche du leader et la droite de la guidée ou vice-versa. En système parallèle, chaque partenaire est l'image dans le miroir de l'autre. Voir aussi Sistema cruzado.

Tanda. Une série de chansons pour danser. Généralement, les tandas durent trois ou quatre chansons. (Elles étaient parfois aussi longues que cinq, mais c'est rare de nos jours.) Les chansons sont toutes d'un genre particulier (tango, milonga ou vals) et sont le plus souvent toutes du même orchestre de la même décennie (parfois la même année) et peut-être avec le même chanteur. Les tandas peuvent également être composées de chansons par différents orchestres avec un son et une sensation similaires. Dans une milonga, le format est généralement le suivant: deux tandas de tango, une de vals, deux de tango, une de milonga et ainsi de suite.

Tango. La musique et la danse d'accompagnement originaires du Río de la Plata, les villes portuaires de Buenos Aires et de Montevideo, en Uruguay, il y a plus d'un siècle. Voir aussi Tango argentin.

Tango argentin. Synonyme de tango, la musique et la danse d'accompagnement originaires du Río de la Plata il y a plus d'un siècle. Nous spécifions le tango argentin pour le différencier du tango dansé en danse sociale ou «ballroom», qui a été radicalement transformé en quelque chose de très stylisé et voyant ainsi que standardisé.

Tanguero/tanguera. Un danseur ou une danseuse de tango.

Vals. Un des trois genres musicaux qui composent le tango argentin : tango, milonga et vals (valse). La valse est jouée sur une mesure à 3/4. (La milonga est en 2/4, le tango peut être en 2/4 ou en 4/4.) Les danseurs utilisent les mêmes pas et la même technique dans les vals que dans le tango, mais ont tendance à sélectionner des figures qui coulent, basculent et tournent, tout en étant rapides et rythmées, afin d'exprimer à la fois le sentiment et la structure rythmique de la musique. Ils utilisent le premier temps de la mesure comme rythme de marche de base, ajoutant des pas accélérés ou des embellissements sur le deuxième et/ou le troisième temps comme ils veulent. Voir un vals dansé ici.

Volcada. Littéralement, cela signifie renversé. Dans le tango, c'est un mouvement hors axe dans lequel la guidée s'incline en avant, soutenu par le torse ou les bras du leader. Habituellement, la «chute» vers l'avant est accompagnée d'un adorno de sa jambe libre.

Voleo. Voir Boleo.

Révision de texte: François Camus

Tuesday 20 October 2020

Vingt leçons de tango : 20ième leçon : Le meilleur travail du monde

Être DJ n'est qu'un des bonus inattendus de mon travail.

Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises en 20 ans de tango. Voici le dernier volet.

Leçon no. 20 : J'ai le meilleur travail que je puisse avoir.

Quand j'étais petite, je voulais être actrice, danseuse et écrivaine. Le chemin de ma vie n'a pas été en ligne droite, et ce que je pensais que ces choses signifieraient était assez différent de ce qu'elles se sont avérées être. Mais près d'un demi-siècle plus tard, je me rends compte que le travail que j'ai aujourd’hui inclut toutes ces choses et plus encore.

Dans mon école de tango, je porte les chapeaux de professeur de danse, de propriétaire de studio, d'organisatrice de milonga, de danseuse de spectacle, de productrice de spectacle, de DJ et, bien sûr, de blogueuse. Tout cela signifie que je travaille assez dur la plupart du temps, mais comme j'aime ce que je fais, souvent cela ne me semble pas vraiment être du travail.

Comme je l'ai mentionné dans un article récent, faire affaire dans le domaine du tango n'est pas toujours facile. Mais je me considère chanceuse de faire ce que je fais, car mes journées sont remplies de plein de choses :

Danser. Comme je l'ai dit, j'ai toujours voulu être danseuse. J'ai suivi mon premier cours de ballet à l’âge de 4 ans, et même si j'ai abandonné le rêve de devenir ballerine puis délaissé complètement le ballet à la fin de l'adolescence, je n'ai pas arrêté de danser depuis. Le fait que je puisse danser tous les jours me garde heureuse et en bonne santé, corps et âme.

Enseigner. J'ai grandi avec une peur intense de parler en public et, dans ma jeunesse, je n'ai jamais, jamais imaginé que je deviendrais enseignante. J'ai commencé à enseigner grâce à ma précédente carrière en journalisme. J'étais la principale formatrice de la salle de rédaction sur les nouvelles technologies au journal où je travaillais, et pendant des années, j'ai donné un cours universitaire sur la conception de journaux. Au début, tout cela était terrifiant pour moi, mais j'ai appris à aimer enseigner et les gens n'arrêtaient pas de me dire que j'étais bonne dans ce domaine. L'enseignement est à la fois stimulant et gratifiant et je peux vraiment dire que cela me passionne. Une fois que j'ai commencé à enseigner le tango, eh bien, je savais vraiment que j'étais sur une piste.

Connecter avec des gens. Au-delà de la danse elle-même, c'est ce qu'est le tango. J'aime les gens, toutes sortes de gens et le tango regorge de relations humaines variées, souvent intenses, fascinantes et satisfaisantes.

Construire une communauté. Mon partenaire et moi n'avons pas forcément planifié cet aspect lorsque nous avons lancé notre petite école de tango, mais nous avons réalisé assez tôt que nous n'enseignions pas seulement aux gens à danser, nous construisions une communauté et nous facilitions donc la création de toutes sortes de relations. J'adore voir des amitiés et des partenariats se former autour de moi et en partie, grâce à moi.

Organiser des fêtes. Pendant mon adolescence et ma vingtaine, j'adorais organiser des fêtes. C'était assez simple pour moi : fournir une table pleine de nourriture, beaucoup de musique de danse bruyante et inviter tout le monde à qui je pouvais penser. J'ai adoré planifier la nourriture, préparer la musique et la liste des invités. Donc je suppose qu'il est parfaitement logique que j'aime animer et être DJ de milongas chaque week-end.

Produire des spectacles et exécuter des numéros. Si j'avais commencé le tango et m'y étais plongée à temps plein à un plus jeune âge, j'en aurais probablement fait davantage sur ce plan. Malgré ma timidité, j'adore faire des prestations et l’expérience de produire des spectacles, avec la créativité et l'excitation des coulisses, est absolument exaltante.

Être DJ. C'est un autre bonus inattendu de mon travail. Du mixage de cassettes aux CD en passant par les listes de lecture iTunes, j'ai toujours aimé assembler de la musique, que ce soit pour les sessions d’entraînement, écouter dans la voiture et surtout, faire danser les gens lors d'une fête. Maintenant, je passe des heures à chercher de la musique de tango, traditionnelle ou alternative, et à assembler des tandas.

Travailler pour moi-même. Encore une fois, pas toujours facile, mais tellement satisfaisant. Il serait difficile pour moi de retourner travailler pour quelqu'un d'autre à ce stade. Ce n'est pas que j'aime tellement être le patron, je ne pense pas du tout que je suis très boss, mais j'aime bien être mon propre patron.

Travailler sur moi-même. J'ai toujours été active. Le tango m'aide à rester en forme et mobile, consciente de ma posture et de l'effet que tout ce que je fais a sur mes partenaires. Mais il faut plus que du tango pour se maintenir en forme pour la danse et pour la vie. En plus de ma vie en danse, je cours régulièrement depuis 25 ans. (J’essaie toujours d'abandonner parce qu’avec tout le tango que je fais, c'est trop dur pour mes pieds meurtris. Mais c'est difficile d'y renoncer car je ne me sens tout simplement pas la même quand je n’ai pas fait cet intense effort cardio.), l'un des dérivés les plus marquants de ma carrière de tango a été la découverte du yoga. Je m’y suis mise il y a quelques années pour essayer d'augmenter ma flexibilité. J'ai rapidement gagné non seulement de la flexibilité, mais aussi une amélioration de ma force et de mon équilibre, une toute nouvelle compréhension de la posture, de l'alignement et de mon propre corps, ainsi qu’une nouvelle compréhension de moi-même. Depuis, je me suis plongée de plus en plus dans le yoga, explorant les aspects qui vont au-delà des poses physiques et obtenant plus tôt cette année, mon certificat d'enseignement.

Bloguer. Comme je l'ai dit, j'ai toujours voulu être écrivaine. L'anglais a été ma matière la plus forte et ma préférée au secondaire. Mes études postsecondaires étaient toutes liées aux langues et à la littérature. J'ai étudié la traduction pendant un certain temps et travaillé comme réviseur pendant plusieurs années. Pendant ce temps, j'ai écrit, mais rien de régulier. Il y a trois ans, j'ai réalisé qu'avec toutes mes observations sur le tango et toute la réflexion analytique que j'en faisais, je devrais probablement commencer à en écrire une partie. J'ai donc franchi le pas et écrit mon premier article de blog, et maintenant j'ai en fait une suite! Ce blog m'oblige à écrire régulièrement et les gens lisent mes trucs. Cool!

Être propriétaire d'une petite entreprise n'est pas toujours facile. Et parce que le business du tango me tient à cœur, il peut être aussi bien difficile émotionnellement que financièrement. Mais les récompenses de faire ce que j'aime compensent le fait que je travaille de longues heures tardives et que je ne gagne pas beaucoup d'argent.

Quand j'envisageais de quitter ma carrière pour démarrer une école de tango, ma mère et mon conseiller financier m'ont dit de ne pas le faire. J'avais de jeunes enfants, des avantages sociaux, un régime de retraite et des dettes. Ouvrir une petite école de danse alors que je poussais 40 ans n'était pas un choix judicieux. Alors je l'ai fait. Je ne pouvais ignorer les larmes que j'avais versées et le douloureux vide que j'avais ressenti dans mon estomac à l’idée de ne pas saisir ce qui était probablement la dernière opportunité de poursuivre les rêves de toute ma vie. J'avais le soutien total de mon partenaire et des réserves d’argent pour tenter de réussir pendant une année, alors nous nous sommes tenus la main et nous avons sauté, emmenant notre jeune famille avec nous.

Dans quelques mois, notre école de tango fêtera ses 10 ans. Aussi difficile et exigeant que cela ait été par moment, je n'ai jamais regretté d’avoir fait le saut il y a dix ans, mais je sais avec une certitude absolue que si je ne l'avais pas fait, je le regretterais chaque jour.

Quand je prépare des tandas pour une milonga à venir, que je ris avec les étudiants lorsque je les aide à exécuter un mouvement difficile ou que je me mêle aux danseurs d'une milonga que j'anime, je n'en reviens toujours pas de la chance que j’ai de faire ce que je fais.

La leçon avec laquelle je vous laisse est la suivante : si vous avez une passion, suivez-la. Et ne laissez pas la peur vous retenir.

Article précédent : Leçon no 19. Le tango est un voyage de découverte de soi.
Lire la série depuis le début.


Monday 12 October 2020

Vingt leçons de tango : 19ième leçon : Apprendre à se connaître

La piste de danse de tango est l'un 
des rares endroits où je peux 
vraiment lâcher prise.
Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises par l’intermédiaire de cette danse, dont plusieurs sur moi-même.

Leçon n ° 19. Le tango est un voyage de découverte de soi. Tout comme nous en apprenons beaucoup sur les autres grâce à leur façon de danser, nous pouvons aussi en apprendre beaucoup sur nous-mêmes.

Étudier la danse, c'est autant développer une conscience que développer des compétences spécifiques. Nous découvrons nos corps en travaillant avec eux et nous nous découvrons nous-mêmes.

La conscience corporelle est la capacité de comprendre comment nos corps bougent et où ils se trouvent dans l'espace. Des disciplines physiques telles que la danse requièrent et améliorent notre proprioception, qui est le sens qui nous permet de contrôler les parties de notre corps sans les regarder.

La conscience de soi, c'est avoir une perception claire de notre personnalité, y compris nos forces, nos faiblesses, nos pensées, nos croyances, nos motivations et nos émotions, puis d’en prendre le contrôle. Le tango peut également nous aider à développer cette compréhension.

Donc, pour progresser en tango, nous devons savoir non seulement quelles sont nos forces, faiblesses et tendances physiques, mais aussi nos forces psycho-émotionnelles: suis-je réceptif? Réactif? Défensif? Passif? Impatient? Est-il facile pour moi de m'affirmer? De lâcher prise?

Voici quelques-unes des choses que j'ai apprises ou confirmées sur moi-même au fil des ans, avec un peu d'aide du tango :
  • J'aime l'intensité. Je suis convaincue que c'est l'une des principales qualités qui m'attire dans le tango. Pas vraiment une personne du genre tiède, j'aime la nourriture riche, le café fort, le vin corsé, les films d'horreur, la musique forte, les douches chaudes et les entraînements exigeants. J'aime aussi les relations humaines intenses : je ne suis pas passionnée par les petites conversations, j'aime la conversation profonde, ou une tanda profondément connectée. Les danseurs de tango sont un groupe très éclectique et je me suis souvent demandée si l'un des fils communs qui nous lient ensemble est un désir de sensations ou de connexions intenses.
  • Le tango me permet de lâcher prise. C'est l'un des autres principaux intérêts de la danse pour moi. La paix de l’esprit ne me vient pas facilement. Je suis une personne occupée dont le cerveau occupé peut me tenir éveillée la nuit pendant des heures. Je m'inquiète et je stresse … jusqu'à ce que j'arrive sur la piste de danse, où la musique, le mouvement et le contact humain se combinent pour constituer ma grande évasion. Sur la piste, dans les bras d'un danseur, au rythme d'une belle musique, tout disparaît sauf l'ici et maintenant. Non seulement est-ce totalement agréable, mais c'est aussi, je crois, extrêmement thérapeutique.
  • Je vais avec le courant. J'ai toujours aimé les surprises et je suis tout à fait capable de prendre la situation qui m'est donnée et de courir avec. Je roule avec les coups, pour ainsi dire. Cela fait de moi une guidée naturelle, car je ne pense pas trop à ce qui se passe et je suis assez douée pour accepter ce qui vient, aussi inattendu que ce soit. Je pense que tout cela fait de moi un guideur patient, car je ne suis pas trop attachée au passé ou au plan pré-établit.
  • Je peux être un guideur patient, mais il m'a fallu du temps pour prendre confiance. Comme je l'ai mentionné dans mon article de blog sur l'affirmation de soi, il est important d'avoir des intentions claires, dans la vie et dans le tango. Sachez ce que vous voulez, dites ce que vous voulez, poursuivez ce que vous voulez. Aucune de ces compétences ne me vient naturellement, mais le tango et l'enseignement m'ont aidé à les développer. De plus, je suis allée chercher ce que je voulais quand mon partenaire et moi avons ouvert notre école, MonTango, il y a dix ans, et elle est depuis devenue l'un des principaux lieux de tango de la ville. Cela m'a appris que les rêves valent la peine d'être poursuivis.
  •  Je ne m'intègre pas toujours. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles j'aime être l'hôte, le professeur, le DJ est que, si je ne suis qu'une participante, je me sens parfois un peu inadaptée. Et j'ai toujours ressenti cela : tout au long de mon parcours scolaire et dans ma carrière précédente, je n'ai jamais fait partie du groupe "in" ou de la clique cool. Je n'ai jamais su faire semblant d'être comme tout le monde, d’agir d'une certaine manière ou de dire les « bonnes » choses pour faire partie du « bon » groupe. Ne vous méprenez pas : j'avais des amis, un petit groupe d’amis très proches, et je m'entendais toujours avec la plupart des gens; bien qu’étant un peu à l’extérieur, je n'ai jamais été une paria. Parfois, je me demande si ce n'est pas un autre fil conducteur du tango, dans ce monde il y a tant de personnages étranges (et merveilleux) qu'il ressemble parfois à une réunion d'inadaptés. Mais là encore, il y a des cliques dans le tango. Je n'en fais tout simplement pas partie et ils ne prospèrent pas dans mes milongas. Je pense que ce que j'ai compris, c'est que dans le tango comme dans la vie, je préfère toujours l'inclusivité à l'exclusivité.
  • Mes limites existent pour être repoussées. Parfois, je pense que j'aimerais vivre une vie plus simple et plus calme. Mais chaque fois que je cherche quelque chose de simple, je finis par aller plus loin que prévu. Cela est évident dans mon parcours dans le tango : non contente de danser, j'ai commencé à enseigner; non contente d'enseigner, j'ai ouvert ma propre école; non contente d'enseigner et de diriger une école, je joue et produit aussi des spectacles, DJ, blog… Et, bien sûr, j'ai continué ma propre formation en danse, en mouvement et en enseignement, prenant des leçons privées chaque fois que possible, apprenant à guider et obtenant une certification d’instructeur de fitness et maintenant d’instructeur de yoga. Je ne sais pas quelle sera ma prochaine grande étape, mais je sais qu'une fois que je serai à l'aise où je suis, je n'y resterai pas longtemps.
  • Je ne croirai jamais que je suis suffisante. Je pense que le désir continu d'apprendre, d'avancer et de grandir est une bonne chose, mais dans mon cas, c'est aussi un signe que dans tout ce que je fais je n'ai jamais l'impression d'en faire assez ou que je suis assez bonne. Par exemple, je ne serai jamais la danseuse que je veux être. C'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Cela signifie que je suis parfois très abattue, surtout après avoir regardé ma performance. Mais cela signifie aussi que je me pousse plus fort à chaque fois et donc, je peux l'admettre, je m'améliore.
  • J'adore enseigner. Je n'ai peut-être pas l'impression de devenir la danseuse que je m'efforce d'être, mais je sais que je suis un bon professeur, et c'est parce que je suis aussi passionnée par l'enseignement que par la danse. Je pense que je suis un professeur deux fois meilleure (ou plus) que je ne l'étais quand j'ai commencé, et j'ai l'intention de continuer ma croissance. Toutes les leçons que j'ai mentionnées ici, et plus encore, m'ont appris à mieux enseigner aux autres.
Alors, qu'avez-vous appris à travers le tango? Cela vous a-t-il aidé à grandir et à évoluer en tant que personne et en tant que danseur? Cela vous a-t-il ouvert les yeux sur quelque chose que vous ne saviez déjà sur vous-même?

Prochain article : Leçon n° 20. J'ai le meilleur travail du monde.
Article précédent : Leçon no 18. Le tango peut être dur pour les couples.

Wednesday 26 August 2020

Vingt leçons de tango : 18ième partie : Le couple de tango

Apprendre le tango avec votre bien-aimé prendra 
de la patience, de l'humilité et un sens de l'humour.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises à travers cette danse qui a déclenché le cliché « Il faut être deux pour danser le tango ».

Leçon no 18. Le tango peut être dur pour les couples. Quand on dit « tango », les gens évoquent des images de roses, de romance et de passion, et les cours de tango semblent être une bonne activité à entreprendre en couple. Donc, vous vous inscrivez à des cours et au lieu de la romance et de la passion attendues, vous trouvez de la maladresse, de la frustration, de la jalousie ou une attitude défensive. Si cela vous semble familier, vous n'êtes pas seul.

Au cours de nos années de tango ensemble, mon partenaire et moi avons vu à peu près tous les problèmes qui peuvent survenir dans un couple, et nous en avons vécu nous-mêmes, surtout au cours de nos premières années. Il existe de nombreux scénarios possibles, chacun présentant ses propres défis. Comprenez tout simplement ceci : Le tango ne cause pas de problèmes relationnels, mais il peut amplifier des problèmes existants.

Quelques amis et moi parlions de ce phénomène il y a quelque temps et nous avons trouvé ce slogan : « Si votre couple peut survivre au tango, votre couple peut survivre à tout! » Bien que je ne fasse pas de cette déclaration la nouvelle campagne de marketing de mon école, elle contient un important élément de vérité.

Voici quelques situations courantes, certaines difficultés qui en découlent et des solutions possibles pour que non seulement vous puissiez augmenter les chances que votre relation survive au tango, mais aussi que le tango survive à votre relation.

•Vous apprenez le tango ensemble.
Les débutants dansent habituellement avec d’autres débutants dans les cours de groupe, mais ce n'est jamais facile. Dans cette situation, certains problèmes relationnels peuvent être facilement amplifiés tels que l'impatience, la jalousie et une attitude défensive.
Pour apprendre le tango, comme pour apprendre quoi que ce soit, il faut être réceptif. Si vous êtes sur la défensive à chaque fois que l'enseignant vient à vous avec une correction ou que votre partenaire ne répond pas comme vous l'espériez, vous aurez tendance à bloquer votre propre capacité à apprendre tout en mettant la majeure partie ou la totalité du blâme sur votre partenaire.
Faites-y face, les deux membres du couple n'apprendront probablement pas exactement au même rythme. L'un ou l'autre des partenaires pourrait apprendre plus rapidement, et si ce partenaire est vous, vous devrez être plus patient avec votre partenaire. Si votre partenaire apprend plus vite, vous devrez être patient avec vous-même.
Nous avons tendance à être moins tolérants envers ceux avec qui nous nous sentons à l'aise, donc lorsque votre partenaire de tango est également votre partenaire de vie, vous pourriez vous laisser aller à le blâmer ouvertement pour tout faux pas plus facilement que vous ne le feriez avec un étranger. 
Les premières étapes de la courbe d'apprentissage sont souvent plus difficiles pour ceux qui guident, c'est pourquoi ils reçoivent le plus gros du blâme de la part des deux parties. Les guidées avec une touche de talent naturel peuvent assez rapidement sentir qu'elles dansent bien lorsqu’elles sont jumelées à un guideur expérimenté. Mais pour les guideurs, il y a beaucoup de choses auxquelles penser et à comprendre dès le début. Ainsi, les deux partenaires peuvent penser, un peu à tort, que la guidée apprend plus vite ou danse mieux que son partenaire. La réalité surgit plus tard pour les guidées, une fois qu'elles (ou ils) se rendent compte que leur rôle est bien plus que de simplement « suivre ». Tout cela est commun et normal. Essayez tout simplement de vous rappeler d'être patient et généreux envers votre partenaire car, quoi qu'il arrive, lui aussi est en train d’apprendre et il fait probablement de son mieux. Et de toute façon, il est improductif de passer beaucoup de temps à essayer de déterminer qui est à blâmer. Travaillez en équipe et, avec l'aide de vos professeurs, vous verrez que vous possédez tous les deux des solutions.

Ensuite, il y a l'insécurité de voir soudainement votre être cher dans les bras de quelqu'un d'autre. Les changements de partenaire sont un excellent outil et, à mon avis, nécessaire pour améliorer vos compétences en danse, mais ils peuvent rendre les novices extrêmement inconfortables. C'est normal. Dans nos cours, nous n'insistons pas que les gens changent de partenaire s'ils sont vraiment contre l'idée. Mais si vous restez à jamais réticent à danser avec quelqu'un d'autre ou à permettre à votre partenaire de le faire, je pense que ce n'est pas un bon signe pour votre avenir ensemble dans le tango.

N'oubliez pas qu'il ne s'agit que de tango (plus à ce sujet ci-dessous). Que les choses se passent bien ou mal avec un autre partenaire, vous rapporterez une part de ce que vous avez appris à votre partenariat régulier.

Apprendre le tango avec votre bien-aimé demandera de part et d’autre de la patience, de la compréhension, de l'humilité et, n'oublions pas, un sens de l'humour.

 

• L'un de vous danse déjà et initie l'autre au tango.
De même que lorsque des débutants guident des débutants il y a des difficultés, lorsque l'expérience est associée à l'inexpérience, toutes sortes de déséquilibres se présentent. Les problèmes qui surviennent fréquemment dans cette situation sont, encore une fois, l'impatience et la jalousie, ainsi que les complexes d'infériorité-supériorité.

 

Si vous avez moins d'expérience que votre partenaire : Ne mettez pas votre partenaire sur un piédestal. Je vois ceci tout le temps, et ça me rend un peu folle. Bien sûr, si votre partenaire danse depuis un an et que vous venez de commencer hier, il vous semblera être un grand danseur. Mais il en sera de même pour presque tout le monde. Et ce que vous devez savoir, c'est qu'une année n'est rien en tango. Votre partenaire a sûrement encore beaucoup de travail à faire au plan de la technique. Concentrez-vous donc à apprendre à votre rythme sans vous comparer à votre partenaire ni vous impatienter avec vous-même. Plus facile à dire qu'à faire, je sais, mais idolâtrer votre partenaire en tant que danseur ne vous mènera nulle part.
Ensuite, il y a ce monstre aux yeux verts appelé jalousie. Surtout si vous êtes nouveau au tango, il peut être déconcertant de voir l'amour de votre vie dans les bras de quelqu'un d'autre, et d'en avoir du plaisir. J'ai eu plus d'un étudiant venir me voir et dire qu'ils ne pouvaient tout simplement pas supporter de regarder leur bien-aimé avoir clairement le plaisir de sa vie dans les bras d'une autre personne. Cela peut prendre du temps pour devenir suffisamment imprégné du tango pour comprendre que pour la plupart des danseurs il ne s’agit que de la danse et rien de plus. L'intensité, la connexion et l'abandon ne quittent pas la piste de danse. Si quelqu'un cherche plus que de la danse, cela n'a rien à voir avec le tango, le tango est simplement la voie qu'il choisit pour le trouver. Si votre partenariat de vie est solide et que vous faites confiance à votre partenaire, le tango ne sera pas un problème. Si votre relation est fragile et que vous ne faites pas confiance à votre partenaire, le tango peut être un jeu dangereux à jouer, mais il n'est pas à blâmer.

 

Si vous avez plus d'expérience que votre partenaire : Ne soyez pas condescendant. Aucun partenariat n'est vraiment égal (bien que les meilleurs finissent par se rapprocher). Amplifier les inégalités en trouvant constamment des moyens de les signaler est contre-productif et ne servira qu'à mettre votre partenaire sur la défensive. Rappelez-vous que vous aussi, vous avez encore beaucoup à apprendre, vous êtes simplement à un endroit différent sur la courbe. En tant qu'enseignant, je vois la condescendance se manifester sous deux formes principales : les attitudes trop encourageantes et le comportement d’enseignant.
Trop encourageant? Oh oui. Être encourageant est, en principe, une bonne chose, mais il y a une ligne fine entre le super-soutien et la super-condescendance. Tapoter figurativement la tête de votre partenaire chaque fois qu'il accomplit la moindre chose est presque aussi fatiguant que de le critiquer chaque petite imperfection. Alors, félicitez-le lorsque vous avez une bonne danse ou que vous constatez une réelle amélioration, mais assurez-vous que le compliment est sincère et ne vient pas d'un endroit trop hautain.
Je l'ai déjà dit, et je le redis : Ne Pas, Corriger, Votre, Partenaire. Ce n'est pas parce que vous avez plus d'expérience que vous êtes un enseignant qualifié. Soyez donc le partenaire de danse compétent que vous savez être, mais laissez l'enseignement aux professeurs, laissez votre partenaire apprendre à son rythme et évitez la tentation de montrer constamment que vous en savez plus. Personne n'aime un je-sais-tout, les conseils non sollicités deviennent rapidement irritants et se mettre constamment au-dessus de votre humble partenaire ne fera probablement pas grand-chose pour le mettre à l'aise.
De plus, si vous êtes trop à l'aise dans votre position supérieure, faites attention : la supériorité relative de vos compétences de danse n’est probablement pas un état d'être permanent. Il y a de bonnes chances que dans un an ou deux, les compétences de votre partenaire aient rattrapé ou même dépassé les vôtres, surtout si lui ou elle continue à travailler dur pendant que vous restez dans votre zone de confort hautaine.

 

• Vous dansez déjà le tango tous les deux lorsque vous entamez votre relation.
Vous avez essentiellement deux choix ici : accepter de rendre votre danse exclusive ou accepter de continuer à danser avec d'autres personnes. Le mot clé dans les deux cas est « accepter ». Quoi que vous décidiez, vous devez tous les deux être d’accord, vous y tenir et accorder à votre partenaire les mêmes libertés que vous accordez.
Personnellement, j'aurais du mal à passer de l’habitude de danser avec différents partenaires et amis à celle de tous les éviter pour danser chaque tango avec le même partenaire, même si ce partenaire était la personne que j'aime. Ce choix ne fonctionnerait pas pour moi.
Cependant, peu importe depuis combien de temps vous dansez et à quel point vous savez tous les deux que le tango se limite à la danse, il y aura des moments où vous sentirez que votre partenaire a eu une tanda de trop avec une personne en particulier ou avait l'air un peu trop heureux dans les bras d’un certain quelqu'un d'autre. Je le sais parce que je l'ai vécu aussi. Dans notre cas, le tango est notre travail à temps plein, nous n'avions donc pas d'autre choix que d'apprendre tôt à surmonter les insécurités émotionnelles qui se présentaient. Et nous comprenons pleinement et apprécions les avantages que le changement de partenaire apporte à notre danse.
Les meilleures suggestions que je puisse faire pour trouver une solution mutuellement acceptable sont de garder les voies de communication ouvertes et, si nécessaire, d’établir des règles de base. Par exemple, je connais des couples qui gardent toujours la première ou la dernière tanda l'un pour l'autre. Cela leur donne quelque chose de spécial qui n'appartient qu'à eux, mais leur permet de continuer à explorer le plaisir des autres partenaires, d'élargir leurs compétences et de ramener de nouvelles expériences qui finiront probablement par nourrir leur relation.


• Vous dansez mais pas votre compagnon.
Vous savez aussi bien que moi que le tango n'est pas simplement une autre activité sociale. Mais là encore, ça l'est. Si vous allez continuer à danser et que votre partenaire ne le fait pas, votre partenaire doit accepter que vous ayez un intérêt et un passe-temps important qui ne l'implique pas. Mais cela serait vrai pour toute activité qui vous passionne et à laquelle vous consacrez beaucoup de temps, que ce soit pour s'entraîner au gymnase, chanter dans une chorale ou jouer au golf. Même si vous ne jouez pas au golf joue contre joue et poitrine contre poitrine avec vos collègues golfeurs.
Pour un novice, cela peut sembler une rationalisation, mais ce n'est pas le cas. Lorsque vous dansez avec quelqu'un, vous ne dansez pas vraiment avec la personne, vous dansez avec le danseur. Vous pouvez vous connecter intensément, profondément, passionnément avec un étranger, car la plupart des choses chez cette personne n'ont pas d'importance sur la piste de danse : quelle langue il parle, ce qu'il fait dans la vie, si elle a des enfants, ce qu'elle a de planifié pour demain. Ce qui compte, c'est la sensation de leur étreinte, leur lien avec la musique, leur capacité à exprimer, à écouter, à suivre. Ce qui compte dans l'ensemble, c’est tout simplement ce qui se passe au moment présent. Le tango est un moment partagé, ou plutôt 10 minutes partagées, et rien d'autre n'existe pendant ce moment, que vous dansiez avec votre partenaire de vie ou avec un inconnu. Ensuite, la tanda est terminée et vous passez à la connexion suivante. Ces relations ne sont pas sexuelles, mais à leur meilleur, elles sont assez intimes et profondes. Vous vous connectez avec quelque chose qui va au-delà de l'homme ou de la femme dans vos bras. C'est pourquoi beaucoup d'entre nous peuvent tirer autant de plaisir de danser avec l'un ou l'autre sexe, quelle que soit notre orientation sexuelle.
Bien sûr qu’il est possible de confondre ces choses et de les poursuivre, ou de vouloir les poursuivre au-delà de la piste de danse. Mais en général, cela n'arrive pas. Et si vous avez quelqu'un qui vous attend à la maison, c'est à vous de ne pas le laisser se produire. Si votre relation est solide et que vous la valorisez, vous devriez être en mesure de vivre pleinement à la fois votre passion pour le tango et celle pour votre être cher qui ne danse pas.


Quelle que soit votre situation avec votre partenaire dans le tango, vous le dansez pour vous amuser et pour ajouter quelque chose de positif à votre vie. Pour continuer à faire ces deux choses, rappelez-vous ceci :
• recherchez des solutions, pas des blâmes,
• riez des erreurs,
• il s’agit de quelque chose qui se passe sur la piste de danse, pas au-delà.

En fin de compte, les enjeux relationnels peuvent être ce qui vous fait décider que le tango n'est pas pour vous. Vous pourriez même blâmer le tango pour les problèmes apparemment nouveaux qui ont surgit dans votre relation. Ou vous pourriez finir par utiliser le tango pour résoudre certains de vos problèmes et votre relation en sera plus forte.

Comme toujours, j'aimerais recevoir vos commentaires sur ce sujet. Avez-vous vécu des défis similaires? Comment les avez-vous résolus?


Révision de texte: François Camus.

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Article précédent : Leçon no 17 : Le tango n’est pas pour tout le monde.

 

Thursday 20 August 2020

Vingt leçons de tango : 17ième partie : Le tango est-il pour vous?

Le tango : ce n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît.

Traduit par François Camus

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises par l’intermédiaire de cette danse qui peut être aussi frustrante que satisfaisante.

Leçon no 17. Le tango n’est pas pour tout le monde.

En deux décennies de danse, plus de 15 ans d’enseignement et plus de 10 ans à la tête de mon propre studio, j’ai vu plus de gens abandonner le tango qu’y rester.

Sur le site web de mon école, je déclare que le tango est pour tout le monde et que « Si vous pouvez marcher, vous pouvez danser. » Je maintiens ces déclarations: Vous pouvez apprendre le tango si vous avez 25 ou 65 ans, si vous êtes homme ou femme, célibataire ou en couple, timide ou extraverti et la liste continue. Mais bien entendu, ce n’est pas juste parce que vous pouvez marcher que vous allez danser le tango comme un pro et cela ne signifie pas non plus que vous allez l’adorer. Et pour continuer à danser le tango, il faut l’adorer. Parce que si le concept est simple, la danse n’est pas si facile. 

En tant qu’amateur de tango et professeur de tango, je pense que ce serait génial si tout le monde pouvait essayer le tango. Vous pourriez l’aimer, l’adorer, persévérer et devenir vraiment bon. Ou peut-être pas.

Le tango pourrait ne pas être pour vous si :

• Vous ne vous en tenez qu’aux choses qui sont faciles pour vous. 
Les débutants se rendent vite compte que s’ils veulent danser le tango, ils devront y consacrer beaucoup de temps. Un cours par semaine ne suffit pas et vous n’aurez probablement pas l’impression de danser vraiment en moins d’un an.
Vous ne resterez pas au tango au-delà de quelques semaines de cours si vous ne développez pas un désir de vraiment travailler sur votre danse, ce qui signifie travailler sur vous-même.
Le tango, comme tous les danseurs expérimentés le savent, est beaucoup plus que la mémorisation de quelques pas ou de quelques séquences. Il s’agit de connexion et de communication, de posture et d’une marche en douceur, de musicalité et d’improvisation. Et il faut des mois, non, des années, pour développer et peut-être, juste peut-être, maîtriser ces choses.
Si tout cela vous semble désagréablement intimidant, peut-être que vous êtes sur la mauvaise voie. Si cela vous semble être un défi passionnant, continuez.

• Vous vous attendez à ce que le tango soit juste une autre série de pas de danse.
Tout d’abord, si vous venez au tango après avoir fait d’autres types de danses sociales ou de danses latines, ne vous attendez pas à sauter les niveaux de débutant en raison de votre expérience passée. Chaque style de danse est différent, le tango argentin est unique, et vous n’allez pas l’apprendre dans un format de type 10-danses-en-10-semaines.
Votre expérience de danse passée pourrait vous aider à apprendre plus rapidement, vous avez peut-être développé votre conscience corporelle, le sens du rythme et les habiletés de guider ou de suivre, mais vous avez encore besoin d’apprendre les bases. Vous pourriez aussi avoir à désapprendre une partie de vos autres techniques de danse tel que les genoux tournés vers l’extérieur, le déhanchement ou les coudes levés.
Apprendre le tango, c’est comme apprendre une nouvelle langue. Si vous parlez déjà deux langues ou plus, vous apprendrez probablement d’autres langues avec plus de facilité, mais cela ne signifie pas que vous sauterez directement au russe de niveau avancé parce que vous parlez déjà anglais et italien.
Encore une fois, apprendre le tango est une question de développer une technique au fur et à mesure que vous intégrez un tout nouveau vocabulaire dans votre corps. C’est la découverte d’un monde qui lui est propre et ne ressemble à aucun autre. Les pas et les séquences ne sont qu’une petite partie de ce dont il s’agit. Si vous êtes prêt et décidé à découvrir cela, vous vous dirigez sur le bon chemin.

•Vous avez une estime de soi très fragile. 
J’ai récemment écrit un blogue entier à l’effet que vous avez besoin d’avoir la peau dure pour danser le tango. Si votre estime de soi est dans un état fragile, le tango peut ne pas être la stimulation dont vous avez besoin en ce moment.
Si vous vous lancez dans le tango, vous découvrirez que vous devez réapprendre à marcher, que votre posture a besoin d’ajustement et que vous ne savez pas vraiment comment enlacer quelqu’un. Donc, il va probablement vous briser avant de vous construire.
Et puis il y a l’aspect social. Tout le monde vit de mauvaises soirées quand nous n’obtenons pas le nombre de danses que nous espérions avoir, et ça peut prendre tout un effort pour ne pas laisser une telle soirée nous laisser avec le sentiment d’être défait, indésirable ou aigri.
Certains d’entre nous sont défaits par ce genre de défis, mais d’autres en sont inspirés et sont motivés à les surmonter. 

• Le tango est votre idée romantique d’une activité en amoureux avec votre bien-aimée. 
Bien sûr, une session de leçons de tango semble être une excellente idée pour injecter un peu de passion supplémentaire dans votre relation. Et je ne dis pas que ce n’est pas le cas. Mais les gens ont des clichés à l’eau de roses sur le tango, que c’est plein de passion et de romantisme, et que cela se transposera comme par magie dans leur vie et leur relation.
D'accord. Éventuellement, cela pourrait se produire. Mais pas de la façon que vous imaginez, et non sans investir beaucoup de temps, d’engagement et de travail acharné dans le processus.
De plus, je déteste l’admettre, mais le tango peut être effectivement assez dur sur un couple, ce dont je vais discuter en détail dans mon prochain blogue. La vie de couple peut être compliquée à bien des égards, que vous vous engagiez dans le tango seul ou avec votre être cher.
Pour être bref, apprendre le tango ensemble prendra de la patience, de la compréhension, un sens de l’humour et une bonne dose d’humilité des deux côtés. Du côté positif, si vous êtes en mesure de travailler sur toutes ces choses, ça ne sera pas seulement amusant et romantique, ça pourrait même rendre votre relation plus forte.

• Vous vous inscrivez à des cours de tango dans l’espoir de trouver une relation. 
Bien sûr que ça peut arriver. J’ai rencontré mon partenaire à travers le tango et mon propre frère a rencontré sa femme dans un cours de tango, mais dans les deux cas, cela a pris des années.
Si vous pensez rester au tango assez longtemps pour devenir bon, vous avez besoin de l’aimer assez pour investir beaucoup de temps et d’efforts à le travailler. Le tango n’est pas une session de « Speed dating ».
Bien sûr que vous pourriez rencontrer quelqu’un de spécial à travers le tango. Acceptez-le si cela se produit, mais ne vous attendez pas à ce que cela se produise.
Lorsque mon école offre des leçons d’essai gratuites pour les nouveaux venus, nous pouvons immédiatement repérer ceux qui sont là avec un motif ultérieur bien défini, et ils restent rarement longtemps. La danse va juste exiger trop de travail si le véritable objectif est de trouver une relation.
Bien sûr, il faut toutes sortes de personnes pour faire un monde (de tango). Dans chaque communauté il y a donc quelques danseurs de longue date qui aiment la danse elle-même et qui l’utilisent en même temps comme moyen de se rapprocher de ceux qu’ils voient comme des compagnons potentiels.
Tout cela étant dit, si vous vous inscrivez à des cours de tango comme moyen de rencontrer des gens, ça pourrait être parmi les meilleures choses que vous pouvez faire. Dans les cours de tango et lors des événements de tango, vous rencontrerez toutes sortes de gens fascinants, qui ont tous un intérêt commun significatif. Plus qu’une activité de couple, le tango est une activité sociale, donc vous allez très certainement vous faire des amis et faire partie d’un tout nouveau cercle.

• Vous n’avez vraiment pas de place dans votre vie pour une activité dévorante. 
Si vous voulez danser le tango, vous devez laisser entrer le tango dans votre vie. Une fois par semaine ne suffit pas. Deux fois par semaine, ce n’est même pas suffisant. Et si vous en venez à aimer cette danse, trois, quatre, cinq fois par semaine pourrait ne pas sembler assez. Le tango a tendance à envahir la vie des gens, du moins pour un temps, et il doit presque le faire, du moins pour un temps, si vous voulez devenir un bon danseur. Le tango est souvent appelé une obsession, une dépendance, une drogue, parce que les danseurs de tango vivent, respirent et consomment leur passion. Si vous vous engagez dans cette danse d’une manière sérieuse, vous la laissez entrer dans votre vie. Ce qui affectera votre calendrier, votre solde bancaire, votre vie sociale et votre âme.

Donc, le tango peut être totalement pour vous si vous n’avez pas peur de quelques années de dur labeur et de vivre occasionnellement une leçon d’humilité, si vous voulez vous faire de nouveaux amis et découvrir quelque chose de stimulant, profond et potentiellement révélateur sur vous-même ou votre relation. Peut-être aussi que le tango n’est pas pour vous. Vous ne le saurez pas avec certitude tant que vous n’en ferez pas l’essai pour voir où il vous mènera.

Article suivant : Leçon no 18. Le tango peut être dur pour les couples.
Article précédent : Leçon no 16. L’industrie du tango et la communauté du tango ne coexistent pas toujours sans heurt.

Monday 17 August 2020

Vingt leçons de tango : Seizième partie : Quand les affaires rencontrent la communauté

N'est-ce pas plus amusant lorsqu’un plus grand nombre danseurs se réunissent?

Traduit par François Camus

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises en dansant cette danse, en enseignant cet art et en gérant cette entreprise.

Quand j’ai écrit cet article, la situation du tango à Montréal était bien différente que ce qu’elle est maintenant, en 2020. Présentement on est en pleine pandémie COVID-19 et le tango social n’existe presque pas depuis cinq mois. Il y a seulement 3 ou 4 écoles de tango qui ont pu rouvrir leurs portes – de façon très limitée – jusqu’à date et il ne peut toujours pas avoir de milongas. D’ici six mois ou un an, en aura t-il? Espérons que oui, et espérons que les organisateurs et la communauté se respecteront et se soutiendront mutuellement pour que le tango survivra à cette période difficile et devienne un jour le monde vibrant qu'il était autrefois.

Leçon n ° 16. L’industrie du tango et la communauté du tango ne coexistent pas toujours sans heurt.

En tant que propriétaire d'entreprise depuis maintenant 12 ans, j'ai beaucoup de réflexions et d’émotions à ce sujet, lesquelles ne sont évidemment pas complètement impartiaux. Je voulais aborder cette question parce que je pensais que la communauté en général pouvait bénéficier d’en prendre conscience.

Comme je l'ai mentionné dans le premier article de cette série, il y a une vingtaine d’années, lorsque je débutais en tango, on pouvait déjà danser sept soirs par semaine à Montréal. La plupart des soirs, il n'y avait qu'un seul endroit où danser, donc les gens savaient où allaient être leurs amis et une grande part de la communauté se retrouvait dans la plupart des milongas.

De plus, toutes les milongas étaient gérées par des écoles de tango. Ce qui signifiait entre autres, que les propriétaires d'écoles qui travaillaient dur pouvaient compter sur un supplément décent à leurs revenus d'enseignement pour aider à payer leur loyer.

Tout cela a commencé à changer il y a une douzaine d'années. Tout d'abord, c'est à cette époque que la scène du tango de Montréal a commencé à s'étendre au-delà du centre-ville. Alors que toutes les milongas se trouvaient autrefois dans le secteur allant du Plateau au centre-ville, de nouvelles écoles, dont la mienne, ont commencé à germer dans les quartiers périphériques et les banlieues. Cela signifiait que les danseurs qui vivaient en dehors du centre-ville avaient soudainement plus de choix. Nous pensions que nous n'aurions pas beaucoup d'effet sur les écoles et les milongas existantes parce que nous étions géographiquement éloignés d'eux, mais la réalité était que, bien sûr, nous avions un effet sur eux. En même temps, puisque nous offrions des cours de tango dans de nouveaux quartiers, nous suscitions également un nouvel intérêt pour le tango et attirions de nouveaux danseurs dans la communauté, l'aidant ainsi à se développer.

Ensuite ont commencé les événements « neutres », des milongas qui n'étaient liées à aucune école en particulier. De nombreux danseurs ont adoré ce nouveau concept, car il signifiait que les gens provenant des différentes écoles et milongas pouvaient se réunir au même endroit, rencontrer de nouvelles personnes et découvrir de nouveaux danseurs. Mais au plan commercial, ce n'était pas aussi positif pour les écoles. Étant donné que toutes les soirées étaient déjà occupées par des milongas organisées par les écoles, les nouveaux événements organisés par des organisateurs indépendants ont eu un impact significatif sur les événements réguliers qui avaient lieu les mêmes soirs.

Ensuite il y a eu la propagation des festivals et des marathons, ce qui n'est nullement un phénomène propre à Montréal. Il y a quelques années, il y avait trois grands festivals à Montréal ainsi qu'une poignée de plus petits, en plus d’au moins trois marathons. C'est beaucoup de compétition pour les événements réguliers et c’est attendre beaucoup de grosses dépenses de la part de la communauté. C'était clairement plus que ce que notre ville pouvait soutenir, car de nombreux événements ont cessé leurs activités dans les années suivantes. L’année passée il n'y avait que deux festivals majeurs et un seul marathon d’une durée d’un week-end complet.

De nombreux organisateurs indépendants ne sont pas des enseignants et ne gèrent pas d'écoles. Ils ne contribuent donc pas à augmenter la population de danseurs de tango comme le font les écoles. Et pour ceux d'entre nous dont les milongas soutiennent nos écoles, à la fois socialement et financièrement, il est frustrant de travailler pendant des années à enseigner et à former des danseurs qui augmentent la communauté du tango pour voir quelqu'un lancer une milonga le même soir que la nôtre et faire tout ce qu’ils peuvent pour inciter nos étudiants et nos clients à se rendre à leur événement.

Sans oublier le fait que les loyers commerciaux sont exorbitants et que Montréal a récemment été déclarée la pire ville au Canada où diriger une petite entreprise. 

En 2017, juste avant que je publie la version originale de cet article, une école de tango bien connue avait fermé ses portes après une décennie d'activité. Bien qu'il y ait eu toutes sortes de spéculations sur ce qui avait précisément causé sa chute, la multiplication exponentielle des milongas et des événements en a sans aucun doute été un facteur majeur. Les milongas et les événements spéciaux peuvent aller et venir, mais si cela fait que les écoles sont obligées de fermer leurs portes, ce ne sera pas une bonne chose pour la communauté. Je crois que l'une des plus grandes forces de Montréal est la qualité et l'expérience de ses enseignants. Comme mon partenaire me l'a dit récemment, les événements de danse sociale répondent au plaisir des danseurs présentement disponibles sur le marché, ce qui est important, mais les écoles forment les danseurs du futur, assurant la survie à long terme de la danse et de la communauté.

Avec la multiplication des événements supplémentaires, la fréquentation des milongas hebdomadaires régulières des écoles a souffert, devenant au mieux irrégulière. Alors de nombreuses écoles ont commencé à offrir des prácticas et des milongas supplémentaires en soirée et en après-midi, certaines accueillant jusqu'à cinq activités de danse par semaine. Cela signifie qu'elles rivalisent de plus en plus les unes avec les autres et diluent encore plus la communauté. Mon école organise une milonga hebdomadaire le vendredi depuis plus d’une décennie maintenant. Il y a habituellement un ou deux autres événements réguliers les vendredis soirs, ce qui n'est pas fou un soir de week-end dans une ville de tango. Mais dernièrement, j'ai parfois compté jusqu'à cinq événements se produisant le même vendredi. Bien sûr, cela me touche personnellement et financièrement. De mon point de vue, c'est trop, mais la partie de moi qui s'efforce d'être objective et de voir les choses du point de vue du public y voit un problème aussi. Est-il vraiment avantageux d’avoir à choisir parmi tant d'options et que nos amis et partenaires de danse soient aussi confrontés à de tels choix? Ne serait-il pas plus amusant de réunir plus de danseurs au même endroit?

De toute évidence, une société capitaliste et un marché libre signifient le droit et la liberté de faire tout cela. La situation se résume ensuite à la survie des plus forts, et beaucoup haussent les épaules et disent : « Qu'il en soit ainsi » ou « Vous avez juste à le prendre ». Mais est-ce que cela rend les choses justes ou même bonnes pour la communauté qui est, encore une fois, de plus en plus diluée?

Un organisateur m'a justifié l'ouverture de sa nouvelle milonga un soir déjà saturé en disant qu'il s'adressait à une « clientèle différente ». Un autre organisateur a astucieusement souligné qu'il s'agissait là d'un euphémisme pour désigner les danseurs avancés et plus jeunes qu'il cherche à attirer. Encore une fois, n'importe qui a le droit de créer un nouvel événement et de cibler un public spécifique, mais le tango n'est-il pas censé être la danse du peuple? Ce qui signifie pour moi tous les danseurs, nouveaux et expérimentés, de niveau moyen et très avancé, jeunes et vieux.

Personnellement, j'aimerais voir plus de jeunes dans le tango et attirer les plus jeunes est un défi que beaucoup d'entre nous tentent de relever depuis des années, mais je ne veux pas d'une communauté ségréguée où les « jeunes » danseurs se tiennent ensemble et tout ceux de plus de 40 ou 50 ans sont considérés comme trop vieux ou indésirables. Bien que j’étais encore dans la vingtaine quand j'ai commencé à danser le tango, une des choses qui m'attiraient déjà à l'époque était le fait que c'était une danse pour tous les âges et que je ne me sentirais pas trop vieille une fois que j’aurais atteint 40, 50 ou bien au-delà.

Une part de cette situation relève de la taille de la ville et, bien sûr, de la taille de la communauté de tango elle-même. Dans une très petite ville avec une très petite population de tango, le sens de la communauté a tendance à être très fort et à peu près tout le monde travaille ensemble d'une manière ou d'une autre. Dans une très grande ville avec une très grande population de tango, comme Buenos Aires ou Paris par exemple, il y a tellement de danseurs que de proposer plusieurs événements est inévitable, voire nécessaire, et a probablement peu d'impact sur la compétition. Montréal se situe quelque part entre les deux. Nous sommes d’une certaine grosseur, et le tango est assez populaire, mais nous ne sommes pas une grande ville européenne ayant d'autres villes et pays tout autour avec lesquels échanger des danseurs, et nous ne sommes certainement pas Buenos Aires. Quoi qu'il en soit, j'ai entendu dire que la prolifération des marathons et des encuentros en Europe a forcé certains des plus connus à cesser leurs activités et que même à Buenos Aires, les organisateurs tentent de trouver de nouvelles façons de s'entraider en ces temps difficiles.

Une solution apparemment évidente, bien sûr, est que les écoles d'ici se réunissent et parviennent à une sorte d'accord ou même à une sorte d'association. Ce sujet a déjà été soulevé dans le passé. Il y a quelques années, un groupe d'entre nous a essayé de former une sorte d'alliance, mais cela n'a pas fonctionné à long terme, pour toutes sortes de raisons.

Personnellement, je considère la situation récente des milongas à Montréal comme du chacun pour soi, et je ne crois pas qu’il y ait de solution facile. Là encore, c'est peut-être un problème plus important de mon point de vue personnel que du point de vue du public. Je suis mal à l'aise avec l'idée que la communauté du tango devienne un monde férocement concurrentiel, car je pense que le sens de la communauté sera alors perdu et aussi, je dois l'admettre, car cela rend ma précieuse entreprise plus vulnérable. Là encore, les affaires sont les affaires, diraient certains, et c'est à chacun de nous de lutter pour sa propre survie.

Maintenant, en 2020, les écoles luttent pour leur survie à cause d'une toute nouvelle raison au delà de notre contrôle. On ne sait pas ce qu’aurait l’air le tango à Montréal ou dans le reste du monde dans une année ou deux, mais pour terminer, je voulais mentionner que la communauté du tango s'est vraiment mobilisée pour nous offrir son soutien, financier ou autre. Nous sommes reconnaissants et grâce à notre communauté, ça se peut bien que nos entreprises en sortent de l'autre côté.

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