Wednesday 26 August 2020

Vingt leçons de tango : 18ième partie : Le couple de tango

Apprendre le tango avec votre bien-aimé prendra 
de la patience, de l'humilité et un sens de l'humour.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises à travers cette danse qui a déclenché le cliché « Il faut être deux pour danser le tango ».

Leçon no 18. Le tango peut être dur pour les couples. Quand on dit « tango », les gens évoquent des images de roses, de romance et de passion, et les cours de tango semblent être une bonne activité à entreprendre en couple. Donc, vous vous inscrivez à des cours et au lieu de la romance et de la passion attendues, vous trouvez de la maladresse, de la frustration, de la jalousie ou une attitude défensive. Si cela vous semble familier, vous n'êtes pas seul.

Au cours de nos années de tango ensemble, mon partenaire et moi avons vu à peu près tous les problèmes qui peuvent survenir dans un couple, et nous en avons vécu nous-mêmes, surtout au cours de nos premières années. Il existe de nombreux scénarios possibles, chacun présentant ses propres défis. Comprenez tout simplement ceci : Le tango ne cause pas de problèmes relationnels, mais il peut amplifier des problèmes existants.

Quelques amis et moi parlions de ce phénomène il y a quelque temps et nous avons trouvé ce slogan : « Si votre couple peut survivre au tango, votre couple peut survivre à tout! » Bien que je ne fasse pas de cette déclaration la nouvelle campagne de marketing de mon école, elle contient un important élément de vérité.

Voici quelques situations courantes, certaines difficultés qui en découlent et des solutions possibles pour que non seulement vous puissiez augmenter les chances que votre relation survive au tango, mais aussi que le tango survive à votre relation.

•Vous apprenez le tango ensemble.
Les débutants dansent habituellement avec d’autres débutants dans les cours de groupe, mais ce n'est jamais facile. Dans cette situation, certains problèmes relationnels peuvent être facilement amplifiés tels que l'impatience, la jalousie et une attitude défensive.
Pour apprendre le tango, comme pour apprendre quoi que ce soit, il faut être réceptif. Si vous êtes sur la défensive à chaque fois que l'enseignant vient à vous avec une correction ou que votre partenaire ne répond pas comme vous l'espériez, vous aurez tendance à bloquer votre propre capacité à apprendre tout en mettant la majeure partie ou la totalité du blâme sur votre partenaire.
Faites-y face, les deux membres du couple n'apprendront probablement pas exactement au même rythme. L'un ou l'autre des partenaires pourrait apprendre plus rapidement, et si ce partenaire est vous, vous devrez être plus patient avec votre partenaire. Si votre partenaire apprend plus vite, vous devrez être patient avec vous-même.
Nous avons tendance à être moins tolérants envers ceux avec qui nous nous sentons à l'aise, donc lorsque votre partenaire de tango est également votre partenaire de vie, vous pourriez vous laisser aller à le blâmer ouvertement pour tout faux pas plus facilement que vous ne le feriez avec un étranger. 
Les premières étapes de la courbe d'apprentissage sont souvent plus difficiles pour ceux qui guident, c'est pourquoi ils reçoivent le plus gros du blâme de la part des deux parties. Les guidées avec une touche de talent naturel peuvent assez rapidement sentir qu'elles dansent bien lorsqu’elles sont jumelées à un guideur expérimenté. Mais pour les guideurs, il y a beaucoup de choses auxquelles penser et à comprendre dès le début. Ainsi, les deux partenaires peuvent penser, un peu à tort, que la guidée apprend plus vite ou danse mieux que son partenaire. La réalité surgit plus tard pour les guidées, une fois qu'elles (ou ils) se rendent compte que leur rôle est bien plus que de simplement « suivre ». Tout cela est commun et normal. Essayez tout simplement de vous rappeler d'être patient et généreux envers votre partenaire car, quoi qu'il arrive, lui aussi est en train d’apprendre et il fait probablement de son mieux. Et de toute façon, il est improductif de passer beaucoup de temps à essayer de déterminer qui est à blâmer. Travaillez en équipe et, avec l'aide de vos professeurs, vous verrez que vous possédez tous les deux des solutions.

Ensuite, il y a l'insécurité de voir soudainement votre être cher dans les bras de quelqu'un d'autre. Les changements de partenaire sont un excellent outil et, à mon avis, nécessaire pour améliorer vos compétences en danse, mais ils peuvent rendre les novices extrêmement inconfortables. C'est normal. Dans nos cours, nous n'insistons pas que les gens changent de partenaire s'ils sont vraiment contre l'idée. Mais si vous restez à jamais réticent à danser avec quelqu'un d'autre ou à permettre à votre partenaire de le faire, je pense que ce n'est pas un bon signe pour votre avenir ensemble dans le tango.

N'oubliez pas qu'il ne s'agit que de tango (plus à ce sujet ci-dessous). Que les choses se passent bien ou mal avec un autre partenaire, vous rapporterez une part de ce que vous avez appris à votre partenariat régulier.

Apprendre le tango avec votre bien-aimé demandera de part et d’autre de la patience, de la compréhension, de l'humilité et, n'oublions pas, un sens de l'humour.

 

• L'un de vous danse déjà et initie l'autre au tango.
De même que lorsque des débutants guident des débutants il y a des difficultés, lorsque l'expérience est associée à l'inexpérience, toutes sortes de déséquilibres se présentent. Les problèmes qui surviennent fréquemment dans cette situation sont, encore une fois, l'impatience et la jalousie, ainsi que les complexes d'infériorité-supériorité.

 

Si vous avez moins d'expérience que votre partenaire : Ne mettez pas votre partenaire sur un piédestal. Je vois ceci tout le temps, et ça me rend un peu folle. Bien sûr, si votre partenaire danse depuis un an et que vous venez de commencer hier, il vous semblera être un grand danseur. Mais il en sera de même pour presque tout le monde. Et ce que vous devez savoir, c'est qu'une année n'est rien en tango. Votre partenaire a sûrement encore beaucoup de travail à faire au plan de la technique. Concentrez-vous donc à apprendre à votre rythme sans vous comparer à votre partenaire ni vous impatienter avec vous-même. Plus facile à dire qu'à faire, je sais, mais idolâtrer votre partenaire en tant que danseur ne vous mènera nulle part.
Ensuite, il y a ce monstre aux yeux verts appelé jalousie. Surtout si vous êtes nouveau au tango, il peut être déconcertant de voir l'amour de votre vie dans les bras de quelqu'un d'autre, et d'en avoir du plaisir. J'ai eu plus d'un étudiant venir me voir et dire qu'ils ne pouvaient tout simplement pas supporter de regarder leur bien-aimé avoir clairement le plaisir de sa vie dans les bras d'une autre personne. Cela peut prendre du temps pour devenir suffisamment imprégné du tango pour comprendre que pour la plupart des danseurs il ne s’agit que de la danse et rien de plus. L'intensité, la connexion et l'abandon ne quittent pas la piste de danse. Si quelqu'un cherche plus que de la danse, cela n'a rien à voir avec le tango, le tango est simplement la voie qu'il choisit pour le trouver. Si votre partenariat de vie est solide et que vous faites confiance à votre partenaire, le tango ne sera pas un problème. Si votre relation est fragile et que vous ne faites pas confiance à votre partenaire, le tango peut être un jeu dangereux à jouer, mais il n'est pas à blâmer.

 

Si vous avez plus d'expérience que votre partenaire : Ne soyez pas condescendant. Aucun partenariat n'est vraiment égal (bien que les meilleurs finissent par se rapprocher). Amplifier les inégalités en trouvant constamment des moyens de les signaler est contre-productif et ne servira qu'à mettre votre partenaire sur la défensive. Rappelez-vous que vous aussi, vous avez encore beaucoup à apprendre, vous êtes simplement à un endroit différent sur la courbe. En tant qu'enseignant, je vois la condescendance se manifester sous deux formes principales : les attitudes trop encourageantes et le comportement d’enseignant.
Trop encourageant? Oh oui. Être encourageant est, en principe, une bonne chose, mais il y a une ligne fine entre le super-soutien et la super-condescendance. Tapoter figurativement la tête de votre partenaire chaque fois qu'il accomplit la moindre chose est presque aussi fatiguant que de le critiquer chaque petite imperfection. Alors, félicitez-le lorsque vous avez une bonne danse ou que vous constatez une réelle amélioration, mais assurez-vous que le compliment est sincère et ne vient pas d'un endroit trop hautain.
Je l'ai déjà dit, et je le redis : Ne Pas, Corriger, Votre, Partenaire. Ce n'est pas parce que vous avez plus d'expérience que vous êtes un enseignant qualifié. Soyez donc le partenaire de danse compétent que vous savez être, mais laissez l'enseignement aux professeurs, laissez votre partenaire apprendre à son rythme et évitez la tentation de montrer constamment que vous en savez plus. Personne n'aime un je-sais-tout, les conseils non sollicités deviennent rapidement irritants et se mettre constamment au-dessus de votre humble partenaire ne fera probablement pas grand-chose pour le mettre à l'aise.
De plus, si vous êtes trop à l'aise dans votre position supérieure, faites attention : la supériorité relative de vos compétences de danse n’est probablement pas un état d'être permanent. Il y a de bonnes chances que dans un an ou deux, les compétences de votre partenaire aient rattrapé ou même dépassé les vôtres, surtout si lui ou elle continue à travailler dur pendant que vous restez dans votre zone de confort hautaine.

 

• Vous dansez déjà le tango tous les deux lorsque vous entamez votre relation.
Vous avez essentiellement deux choix ici : accepter de rendre votre danse exclusive ou accepter de continuer à danser avec d'autres personnes. Le mot clé dans les deux cas est « accepter ». Quoi que vous décidiez, vous devez tous les deux être d’accord, vous y tenir et accorder à votre partenaire les mêmes libertés que vous accordez.
Personnellement, j'aurais du mal à passer de l’habitude de danser avec différents partenaires et amis à celle de tous les éviter pour danser chaque tango avec le même partenaire, même si ce partenaire était la personne que j'aime. Ce choix ne fonctionnerait pas pour moi.
Cependant, peu importe depuis combien de temps vous dansez et à quel point vous savez tous les deux que le tango se limite à la danse, il y aura des moments où vous sentirez que votre partenaire a eu une tanda de trop avec une personne en particulier ou avait l'air un peu trop heureux dans les bras d’un certain quelqu'un d'autre. Je le sais parce que je l'ai vécu aussi. Dans notre cas, le tango est notre travail à temps plein, nous n'avions donc pas d'autre choix que d'apprendre tôt à surmonter les insécurités émotionnelles qui se présentaient. Et nous comprenons pleinement et apprécions les avantages que le changement de partenaire apporte à notre danse.
Les meilleures suggestions que je puisse faire pour trouver une solution mutuellement acceptable sont de garder les voies de communication ouvertes et, si nécessaire, d’établir des règles de base. Par exemple, je connais des couples qui gardent toujours la première ou la dernière tanda l'un pour l'autre. Cela leur donne quelque chose de spécial qui n'appartient qu'à eux, mais leur permet de continuer à explorer le plaisir des autres partenaires, d'élargir leurs compétences et de ramener de nouvelles expériences qui finiront probablement par nourrir leur relation.


• Vous dansez mais pas votre compagnon.
Vous savez aussi bien que moi que le tango n'est pas simplement une autre activité sociale. Mais là encore, ça l'est. Si vous allez continuer à danser et que votre partenaire ne le fait pas, votre partenaire doit accepter que vous ayez un intérêt et un passe-temps important qui ne l'implique pas. Mais cela serait vrai pour toute activité qui vous passionne et à laquelle vous consacrez beaucoup de temps, que ce soit pour s'entraîner au gymnase, chanter dans une chorale ou jouer au golf. Même si vous ne jouez pas au golf joue contre joue et poitrine contre poitrine avec vos collègues golfeurs.
Pour un novice, cela peut sembler une rationalisation, mais ce n'est pas le cas. Lorsque vous dansez avec quelqu'un, vous ne dansez pas vraiment avec la personne, vous dansez avec le danseur. Vous pouvez vous connecter intensément, profondément, passionnément avec un étranger, car la plupart des choses chez cette personne n'ont pas d'importance sur la piste de danse : quelle langue il parle, ce qu'il fait dans la vie, si elle a des enfants, ce qu'elle a de planifié pour demain. Ce qui compte, c'est la sensation de leur étreinte, leur lien avec la musique, leur capacité à exprimer, à écouter, à suivre. Ce qui compte dans l'ensemble, c’est tout simplement ce qui se passe au moment présent. Le tango est un moment partagé, ou plutôt 10 minutes partagées, et rien d'autre n'existe pendant ce moment, que vous dansiez avec votre partenaire de vie ou avec un inconnu. Ensuite, la tanda est terminée et vous passez à la connexion suivante. Ces relations ne sont pas sexuelles, mais à leur meilleur, elles sont assez intimes et profondes. Vous vous connectez avec quelque chose qui va au-delà de l'homme ou de la femme dans vos bras. C'est pourquoi beaucoup d'entre nous peuvent tirer autant de plaisir de danser avec l'un ou l'autre sexe, quelle que soit notre orientation sexuelle.
Bien sûr qu’il est possible de confondre ces choses et de les poursuivre, ou de vouloir les poursuivre au-delà de la piste de danse. Mais en général, cela n'arrive pas. Et si vous avez quelqu'un qui vous attend à la maison, c'est à vous de ne pas le laisser se produire. Si votre relation est solide et que vous la valorisez, vous devriez être en mesure de vivre pleinement à la fois votre passion pour le tango et celle pour votre être cher qui ne danse pas.


Quelle que soit votre situation avec votre partenaire dans le tango, vous le dansez pour vous amuser et pour ajouter quelque chose de positif à votre vie. Pour continuer à faire ces deux choses, rappelez-vous ceci :
• recherchez des solutions, pas des blâmes,
• riez des erreurs,
• il s’agit de quelque chose qui se passe sur la piste de danse, pas au-delà.

En fin de compte, les enjeux relationnels peuvent être ce qui vous fait décider que le tango n'est pas pour vous. Vous pourriez même blâmer le tango pour les problèmes apparemment nouveaux qui ont surgit dans votre relation. Ou vous pourriez finir par utiliser le tango pour résoudre certains de vos problèmes et votre relation en sera plus forte.

Comme toujours, j'aimerais recevoir vos commentaires sur ce sujet. Avez-vous vécu des défis similaires? Comment les avez-vous résolus?


Révision de texte: François Camus.

Article suivant : Leçon no 19 : Le tango est un voyage de découverte de soi.
Article précédent : Leçon no 17 : Le tango n’est pas pour tout le monde.

 

2 comments:

  1. Il y a beaucoup d'expérience de vie dans cet article et un bon jugement. Bravo!

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  2. ouaip!le tango,c'est comme avoir des enfants... on pense que ça va tout régler et puis, ça règle rien, ça nous rend juste un peu plus fort... par ailleurs, le tango on peut débarquer ou persévérer... finalement accepter qu'on est moins bon qu'on pensait... avec les enfants on n'est jamais assez bon... dans le meilleur des cas, et après plusieurs années de pratique on ne sera même pas assez bons pour donner des leçons. Finalement le tango c'est pas si difficile: ça nous réveille pas le matin, on se couche tard le soir, on arrête d'y penser quand on dort.

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