Monday, 18 May 2020

Vingt leçons de tango : Treizième partie : La milonga a des règles et on devrait les suivre

Pour obtenir une ronda qui circule aisément,
il ne faut pas traiter les autres couples sur la piste comme des obstacles à éviter,
mais comme une partie intégrante de notre danse.

Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises au sujet et par l’intermédiaire de cette danse qui est un univers unique en soi, plein de traditions et de coutumes.

Leçon no 13 : Les códigos existent pour une bonne raison.
Chaque jour je crois de plus en plus fermement aux códigos du tango (ses codes de conduite), et j’en fait de plus en plus la promotion dans mon enseignement. La raison d’être de ces règles d’étiquette n’est pas de limiter ou de restreindre la liberté des gens ou leur plaisir, mais au contraire, d’assurer que tout le monde puisse passer un moment agréable.

En plus des règles universelles de courtoisie et de bonnes manières, il y a des règles qui s’appliquent spécifiquement à la danse sociale et même spécifiquement au tango argentin.

J’ai déjà écrit un long article sur ce sujet iI y a quelques années. Ceci est une version mise à jour (en 2020 et encore en 2024), qui, je l’espère, servira de guide aux débutants allant à leurs premières milongas et de rappel amical à ceux qui dansent depuis un certain temps.

TRAVERSER LA PISTE DE DANSE
Quand vous entrez dans une milonga ou que vous devez traverser d’un côté à l’autre de la salle, faites toujours le tour de la piste de danse, ne passez pas à travers.

LE SYSTÈME D’INVITATION PAR MIRADA-CABECEO
Je suis un ferme supporteur du système d’invitation par mirada-cabeceo. Mirada signifie «regard», cabeceo signifie «hochement de tête» et ensemble ils constituent le mode d’invitation à danser non-verbal et traditionnel. C’est la méthode la plus largement acceptée d’inviter et de se faire inviter à danser le tango. Essentiellement, les leaders et les followers regardent directement la personne avec laquelle ils souhaitent danser en espérant que leurs regards se croisent. Ensuite, le leader fait un hochement de tête en guise d’invitation et la follower fait un signe de tête ou un sourire pour accepter.

Ça vaut la peine de l’utiliser parce que ça marche.

En tant que follower, cela signifie que vous n’êtes pas assises en attendant passivement d’être choisie par quiconque décide de marcher jusqu’à vous pour vous inviter. Et accepter ou non n’est plus un problème parce que c’est à vous d’établir un contact visuel afin d’inviter ou d’être invitée, et si vous n’avez pas envie de danser avec quelqu’un, vous n’établissez tout simplement pas de contact visuel. Pas besoin de refuser directement ou d’inventer des excuses. Je suis fermement en désaccord avec ceux qui disent qu’il s’agit d’une tradition machiste et dépassée. Je crois qu’en fait, cette technique donne du pouvoir aux femmes. Il y a encore des gens qui désapprouvent que les femmes fassent les invitations, mais avec le cabeceo, la ligne entre inviteur et invité est brouillée. Après tout, si je veux danser avec lui, c’est à moi de le regarder dans les yeux… alors il fait un signe de tête et je souris, ou est-ce moi qui ai souris et lui qui a ensuite fait un signe de tête?

En tant que guideur, vous ne faites pas une demande directe en risquant un rejet direct ou le « oui » réticent de quelqu’un qui ne veut pas vraiment danser avec vous mais qui ne veut pas vous blesser.

Ce système signifie que chaque danse est un accord mutuel. Cela prend une subtile affirmation de soi qui n’est pas toujours facile pour les personnes timides, mais si vous maîtrisez cette technique, qui sait ce qu’il pourrait advenir? Par la même occasion vous pourriez surmonter un peu de votre timidité. Et le système mirada-cabeceo est affirmatif pour les deux parties. Vous devez regarder directement la personne avec laquelle vous souhaitez danser et il ou elle doit vous regarder directement. Ensuite, le signe de tête et on y va, nous ayant choisis l’un et l’autre.

Bien sûr que rien n’est infaillible. L’un des inconvénients est le risque de confusion. Lorsque la salle est grande, sombre ou bondée, il peut être difficile de savoir qui regarde qui. Lorsque quelqu’un fait un signe de tête en direction de votre table, il peut être difficile de discerner la cible. Il est recommandé aux followers d'attendre là où elles se trouvent pendant que le leader s'approche, pour éviter les situations embarrassantes. Si vous faites un signe de tête à quelqu’un et que la mauvaise personne accepte, la chose gentille et polie à faire est de danser la tanda avec votre partenaire imprévu/e, et espérer que la prochaine fois vous viserez mieux la cible.

Dans tous les cas, tout cet échange devrait se produire après le début de la tanda et non pendant la cortina (quoique vous pouvez vous sentir libre de planifier à l’avance et être prêt). Pourquoi? Parce que vous êtes censés choisir vos danseurs et la musique l’un en fonction de l’autre. Dans mon cas, j’aime bien danser le tango avec certains danseurs, mais pas les milongas rapides. Je réserve la plupart des valses pour quelques danseurs spécifiques et les Pugliese dramatiques à d’autres. Bien sûr qu’il y a des danseurs avec lesquels je danserais n’importe quoi avec plaisir, mon propre partenaire est l’un d’eux, mais ils sont des exceptions. La connexion est autant une question de musique que de la personne qui est dans vos bras, et lorsque les deux vont bien ensemble, ça peut être magique.

L’invitation verbale : Tout en encourageant l’utilisation du cabeceo, il y a des cas où il est correct d’inviter quelqu’un verbalement. Si vous vous adonnez à être près de quelqu’un et souhaitez danser avec, il est tout à fait sensé d’utiliser des mots. Si vous êtes en conversation avec quelqu’un et une belle tanda se présente, bien sûr que vous lui demanderez verbalement. Surtout si vous savez déjà que la personne aime bien danser avec vous.

Avec qui danser : En général, je n’évite pas ou ne refuse pas les gens en fonction de leur niveau d’habileté mais plutôt en fonction de leur attitude et de leur étiquette sur la piste de danse. Les leaders que j’évite sont ceux qui me poussent, me tirent et me malmènent de telle sorte que je dois lutter à chaque seconde pour maintenir mon équilibre. J’essaie aussi de me tenir à l’écart de ceux qui font preuve d’un mépris total envers les autres danseurs sur la piste de danse. Les leaders qui utilisent leur partenaire comme un bouclier ou une arme sur la piste de danse sont vraiment stressants parce que leurs partenaires portent toute leur attention au-dessus de leur épaule tentant de faire le travail d’éviter les collisions. Aussi, les danseurs qui corrigent ou enseignent à leurs partenaires sur la piste de danse sont placés bien hauts sur ma liste de danseurs à éviter.

Comme danseurs avancés, si nous acceptons de danser avec quelques danseurs sans égard à leur niveau d’habileté, nous aiderons des débutants à améliorer leur danse. D’autre part, si nous rejetons sur la base des mauvais comportements, nous pourrions peut-être aider certains danseurs à se corriger.

Au plan de mon plaisir comme guidée, les qualités qui me feront chercher ou accepter des invitations sont : une étreinte confortable; connexion à la musique, une attention aux déplacements et à la sécurité sur la piste de danse. Les figures créatives et les mouvements amusants sont sur la liste, mais pas s’ils font obstacle aux éléments précédents.

Interrompre la danse d’un autre couple pour inviter : Non! Pas pendant une chanson, pas entre les chansons. C’est même mal vu d’attraper quelqu’un pendant la cortina alors qu’ils n’ont pas encore quitté la piste de danse après la tanda précédente. Vous n’êtes tout simplement pas supposé inviter quelqu’un qui est déjà sur la piste de danse.

Entrer sur la piste de danse : S’il-vous-plait, n’oubliez pas ce deuxième usage tout aussi important du cabeceo. Quand vous voulez entrer sur la piste de danse avec votre partenaire, vous devez avoir de la considération pour la circulation et éviter de couper devant le couple qui approche. Leaders, prenez le temps d’établir un contact visuel avec le leader qui s'en vient avant d’entrer sur la piste et attendez qu’il vous fasse signe que vous pouvez entrer. Quand vous dansez, soyez conscient des points d’entrée sur la piste de danse et permettez aux autres couples d’entrer. Followers, ne vous lancez pas sans réfléchir dans le trafic! Vous devez toujours permettre à votre leader de fusionner en premier, garantissant ainsi votre sécurité. 

SUR LA PISTE DE DANSE
Les tandas : Les tandas sont des séries de trois ou quatre chansons du même orchestre ou d’un style similaire. Les tandas sont séparées par des cortinas, de courts-extraits de musique qui ne sont pas de la musique de tango. Normalement, il est convenu que l’on danse une tanda complète avec le même partenaire. Être quitté avant la fin n’est pas agréable. Alors, à moins de circonstances exceptionnelles, rappelez-vous qu’une tanda ne dure que 9 à 12 minutes de votre vie. Même si c’est désagréable, vous pouvez probablement sourire et le supporter. Toutefois, il y a trois situations dans lesquelles il est acceptable d’arrêter de danser pendant une tanda :
  1. Les deux partenaires s’étaient entendus avant de commencer à danser.
  2. Une blessure ou une autre urgence est survenue pendant la danse. 
  3. Le partenaire est suffisamment impoli ou irrespectueux pour mériter d’être offensé ou embarrassé en étant abandonné au milieu d’une tanda.
Respecter la ronda : Leaders, suivez la ronda, ou ligne de danse. Ceci signifie qu’on ne devrait pas louvoyer aléatoirement d’une ligne de danse à l’autre et qu’on ne devrait pas circuler vite afin d’aller couper devant les autres couples. Idéalement, chaque couple devrait terminer chaque chanson en étant positionné devant et derrière les mêmes couples que lorsqu’elle a commencé. De plus, regardez toujours devant vous plutôt que vers le bas afin d’éviter les collisions, et reculez le moins souvent possible et avec précaution. Ceci est probablement la partie la plus difficile d’apprendre à guider, mais je crois que c’est un peu moins difficile quand vous ne considérez pas les autres couples sur la piste simplement comme des obstacles à éviter, mais comme une partie intégrante de votre danse. Nous devrions danser avec les autres couples, pas contre ou malgré eux. 

Followers, restez dans l’espace que votre partenaire vous crée et évitez de lever les pieds du sol à moins d’être certaine qu’il est sécuritaire de le faire. Ceci signifie que si vous dansez les yeux fermés, vous ne devriez pas lever les pieds derrière vous. D’autre part, si vos yeux sont ouverts, vous pouvez arrêter votre partenaire de faire un pas à reculons afin de prévenir une collision.

Imaginez tous les couples sur la piste bougeant comme un tout, chaque couple unique, mais ensemble. Quelle fluidité il y aurait.  

Moins de bavardage et plus de danse : Quiconque a lu mes articles sur le sujet sait que ceci est important pour moi : de grâce, évitez d’enseigner ou de corriger votre partenaire. Dansez au niveau de votre partenaire, et lorsque quelque chose ne fonctionne pas, essayez d’améliorer votre propre technique. Corriger est le travail des professeurs et devrait être limité aux heures de cours. En général, réservez la conversation aux moments où la musique est arrêtée. S’excuser à chaque faux-pas est presqu’aussi distrayant que les corrections. Et si vous voulez parler de la température ou de votre journée, allez vous asseoir au bar.

De la qualité, pas de la quantité : C’est la connexion qui compte. Limitez les grands mouvements, surtout lorsque la piste de danse est bondée. Et, une fois de plus, ne guidez pas ou n’exécutez pas de boleos aériens avant de vous être assuré qu’il y a amplement d’espace pour le faire.

Il a été dit que le tanguero qui danse trois heures de suite sans arrêt n’aime pas vraiment le tango, qu’il a juste besoin de bouger, alors qu’un «vrai» danseur choisit ses musiques et ses partenaires avec discernement, et comme mentionné précédemment, souvent en fonction l’un de l’autre. Je pense qu’il y a certainement place pour les deux types de danseurs dans toutes les milongas, mais essayez de ne pas devenir découragé ou amer si vous n’avez pas obtenu autant de tandas que vous espériez. Certaines soirées sont comme ça, et une seule merveilleuse tanda suffit parfois à faire votre soirée.

Pas de délits de fuite! Des accidents surviennent. Peu importe à qui la faute; il est tout simplement poli de s’excuser, de s’assurer que l’autre personne n’est pas blessée et d’être plus prudent la prochaine fois.

Après la tanda : Leaders, accompagnez votre folloer à son siège ou au moins hors de la piste de danse. La plupart des followers apprécient vraiment cette courtoisie (je sais que c'est mon cas). Cela montre de bonnes manières et évite également qu'elles se sentent abandonnées abruptement lorsque vous vous précipitez vers votre prochain partenaire.

À PROPOS DE L'HYGIÈNE
Je déteste que j’ai besoin de dire aux gens qu'il est important de faire des choses comme prendre une douche, se brosser les dents et porter du déodorant avant de se rendre au cours de tango ou à la milonga. Mais il y a encore des gens qui ne savent pas ou ne se préoccupent pas du fait que la mauvaise haleine et d’autres odeurs corporelles sont désagréables pour les partenaires de danse et pourraient très bien faire la différence entre une mirada et un regard détourné. Je déteste encore plus le fait que je doive dire aux gens de se laver les mains après être allé aux toilettes, mais je sais qu'il y a des femmes et des hommes qui ne le font pas; je l'ai vu de mes propres yeux. Je connaîs quelques hommes qui transpirent beaucoup donc qui apportent une ou deux chemises de rechange, ce qui est bien apprécié par leurs partenaires. Mais aussi, n'en faites pas trop avec le parfum! Certaines personnes sont sensibles aux odeurs. 

Depuis que la pandémie de COVID a fait rage à travers la planète, le lavage et la désinfection des mains sont devenus à la mode et pour cause. Des mains propres empêchent la propagation de toutes sortes d’infections et de maladies, pas seulement des coronavirus. C'est une bonne idée de se laver les mains souvent pour la sécurité de tous… et de se rafraîchir régulièrement pour le confort de tous. Et, s'il vous plaît, si vous avez de la toux, de la fièvre ou toute autre chose susceptible d'être contagieuse, absentez-vous de votre cours ou de la milonga pour en éviter la propagation.

Si penser à tout ceci semble être beaucoup, ça l’est au début. Mais en pratique, ces codes et coutumes deviennent une part intégrante de votre danse, comme la marche, enlacer votre partenaire et suivre le rythme. Après tout, quand vous apprenez à conduire une voiture, opérer le véhicule est une petite part de l’ensemble. Sur la route, vous avez à suivre le flot de la circulation, être conscient et respectueux de tous les autres autour de vous et éviter les collisions. Ne devrait-il pas en être de même sur la piste de danse?

Article précédent : Leçon no 12: Traitez bien vos pieds.
Prochain article : Leçon no 14: Il est aussi important d’être gentil et généreux que de suivre les códigos.

Tuesday, 5 May 2020

Vingt leçons de tango : Douzième partie : Un bon soin des pieds est un pas dans la bonne direction

Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons. Mes pieds ont subi le poids de ces deux décennies de tango, donc cette leçon a été en partie apprise à la dure.

Leçon no 12 : Traitez bien vos pieds.
Nos pieds soutiennent tout notre corps. Ils portent notre poids et ils nous permettent de nous tenir debout, de marcher, courir, sauter et, bien sûr, danser.

Nous devrions être reconnaissants envers nos pieds et nous devrions les traiter avec soin pour tout ce qu’ils font pour nous. Il y a peu de mouvements qui n’impliquent pas ces petits choux travailleurs au bout de nos jambes.

Le tango est particulièrement dur sur nos pieds. Si vous utilisez efficacement vos pieds en dansant le tango, lors de la marche avant vous exagérez le roulement du pied, du talon jusqu’aux orteils afin de mieux contrôler l’atterrissage et obtenir le maximum de propulsion. Vous avez sans doute entendu au moins un professeur dire de « pousser dans le plancher ». Lors de la marche, des transferts de poids et des pivots vous devez pousser sur les métatarses et à travers les orteils pour générer de puissants mouvements que votre partenaire pourra ressentir. C’est un aspect essentiel d’une bonne technique de tango et ça exerce beaucoup de pression sur la plante des pieds. Et si, comme la plupart des gens, vous avez passé une grande partie de votre vie à sous-utiliser vos pieds, vous pourriez vous retrouvez avec des pieds fatigués, douloureux, et même blessés.

Sous-utilisés vous me dites? Mais je viens tout juste de dire que nous utilisons nos pieds dans presque chaque mouvement que nous faisons. Curieusement, bien que nous chargeons constamment nos pieds de poids et de mouvements, nous sous-utilisons généralement les muscles intrinsèques des pieds parce qu’on porte habituellement des chaussures et on marche sur des surfaces dures et plates. Nous ne travaillons pas profondément la force, la flexibilité, ni même la mobilité de nos pieds alors nos muscles s’atrophient et nos pieds deviennent faibles ainsi que sujets à la douleur et aux blessures.

Les jeunes enfants ont généralement des pieds larges et des orteils évasés. Leurs pieds ont aussi une meilleure dextérité que ceux des adultes et ils peuvent faire des choses telles que remuer leurs orteils séparément. Nous perdons cette habileté à l’âge adulte, mais dans les cultures où les gens sont surtout pieds nus, les gens peuvent conserver cette dextérité pédestre jusqu’à un âge avancé.

D’autre part, plusieurs sinon la plupart des problèmes de genou, de hanche et de dos commencent avec les pieds.

La bonne nouvelle est que puisque la plupart des problèmes de pied sont de nature biomécanique, c’est-à-dire qu’ils sont causés par la façon dont nous nous tenons debout et que nous bougeons, ainsi que par les chaussures que nous portons, plusieurs sont évitables et aussi soignables par la biomécanique.

Des choses que vous pouvez faire pour prendre soin de vos pieds :

Quand vous vous tenez debout, vos pieds devraient
être parallèles, avec une pression égale sur les côtés
intérieur et extérieur.

•Observez la position de vos pieds. Comment placez-vous vos pieds lorsque vous vous tenez debout et lorsque vous marchez? Si vous êtes debout, vos pieds devraient être parallèles l’un avec l’autre, avec les orteils pointant vers l’avant plutôt que de pointer vers l’extérieur ou vers l’intérieur. De plus, la pression devrait être égale, sur les côtés intérieur et extérieur des pieds, de sorte que vous n’êtes ni en pronation (pieds roulés vers l’intérieur) ni en supination (pieds roulés vers l’extérieur) lorsque vous vous tenez debout ou que vous marchez. Lorsque vous êtes en mouvement, il est important de mobiliser vos pieds et vos chevilles, et de porter attention au mouvement de roulement à chaque pas vers l’avant et l’arrière. En tango, on recommande habituellement de maintenir les pieds en « V », de sorte que vos talons sont ensembles et le devant des pieds sont légèrement tournés vers l’extérieur. L’ouverture devrait être très petite. Ceci vous stabilise sans compromettre l’alignement des articulations. Vos orteils ne devraient pas être écrasés dans le plancher quand vous êtes debout. Votre centre de gravité devrait être suffisamment déplacé vers l’arrière pour que vous puissiez les lever et les bouger, le centre de gravité devrait rester vers l’arrière même lorsque vous êtes en mouvement. Ceci m’emmène au point suivant.

• Maintenez un bon alignement postural. Ceci réfère à la façon dont la tête, les épaules, la colonne
La ligne qui passe par les points 
d'alignement devrait être verticale.
vertébrale, les hanches, les genoux et les chevilles s’enlignent les uns par rapport aux autres. Un bon alignement du corps vous aide à établir et à maintenir une bonne posture et améliorera votre danse. Un mauvais alignement met du stress sur la colonne vertébrale et les autres articulations. Cela peut aussi provoquer une détérioration des articulations.

Quatre points principaux devraient être alignés quand on se tient debout. Si on traçait une ligne qui passe par chacun d’eux, on obtiendrait une ligne complètement verticale, pas une diagonale. Partant du sol et allant vers le haut, ce sont :
  • la malléole latérale, ou le petit os que l’on a sur le côté extérieur de la cheville
  • le grand trochanter, ou le côté extérieur de la tête supérieure du fémur (l’os de la cuisse), la bosse située du côté extérieur du bassin
  • l’acromion, ou le petit os situé sur le dessus de l’épaule
  • le méat auditif, ou trou de l’oreille
Pour en savoir plus sur la posture et l’alignement, vous pouvez lire mon article sur le sujet, mais je vais conclure cette section en parlant un peu de mon expérience personnelle :

Il y a environ sept ans, c’est par le yoga plus que toute autre chose que j’ai commencé à vraiment comprendre le bon alignement et à me tenir correctement. Quand j’étais plus jeune, je n’ai jamais pu comprendre pourquoi je pouvais courir 10 kilomètres ou danser toute la nuit avec une aisance relative, mais que je ne pouvais me tenir debout plus de 20 minutes sans ressentir une extrême fatigue et une douleur dans mes pieds. Éventuellement, j’ai appris que mon centre de gravité était trop vers l’avant, ce qui mettait beaucoup de stress sur mes métatarses (et beaucoup de poids sur mes partenaires de tango). Que l’on soit debout, en marche ou à danser le tango, notre axe devrait être situé sur nos talons. L’os du talon est le plus large du pied et conçu pour soutenir le poids du corps. Maintenant que je sais comment m’aligner correctement, je peux me tenir debout beaucoup plus longtemps sans ressentir de fatigue ou de douleur. Même mes talons hauts me fatiguent moins. Mais cela ne signifie pas que je les porte davantage...

Bien qu'on puisse adorer nos jolies
chaussures à talons hauts, elles ne
sont pas très bonnes pour notre corps.
•Choisissez vos chaussures avec soin.


Pour les tangueros, la question principale est : Pourquoi des chaussures de danse plutôt que des chaussures de ville confortables? Les chaussures de danse offrent un bon mélange de soutien et de flexibilité. De plus, elles épousent bien la forme de vos pieds et les semelles sont ni trop épaisses, ni plus larges que la partie supérieure de la chaussure, alors vous pouvez bien sentir le plancher, les pieds de votre partenaire et les mouvements de vos propres pieds. Assurez-vous d’avoir un bon ajustement et assez d’espace pour vos orteils.

Pour les tangueras, c’est une toute autre histoire. La plupart des chaussures de tango ont des talons hauts. Des talons très hauts. De très hauts talons-aiguilles. D’autre part, je pense que tout le monde sait que les talons hauts ne sont pas bons pour nous. D’innombrables livres et articles ont été écrits sur le sujet et les études montrent encore et encore le mal fait au corps des femmes par le port à long-terme de talons hauts. Cela affecte nos pieds, nos genoux, nos hanches, notre dos et même les muscles de nos jambes.

Il semble avoir peu de consensus à savoir quelle serait la hauteur idéale des talons pour des pieds sains. Certains experts disent que la hauteur optimale est de 1-1.5 pouces (2.5-4 centimètres); d’autres disent que ce serait des talons plats. D’autres encore disent que ça varie d’une personne à l’autre selon la forme de leurs pieds. Mais personne ne semble recommander des talons aiguilles de 3.5-pouces (9-centimètres) comme chaussures optimales.

Depuis 20 ans je porte des talons hauts pour danser le tango. Pendant les 10 premières années je n’ai pas ressenti de conséquences néfastes autres que des pieds endoloris à la fin d’une longue soirée de danse et des callosités permanentes (le soi-disant coussinet du danseur) au milieu de la plante de mes pieds. Mais depuis que j’ai ouvert mon école de danse et fait du tango mon emploi à temps-plein – je danse cinq ou six jours par semaine et certains jours je peux passer jusqu’à neuf heures à enseigner, pratiquer et danser – mes pieds l’ont ressenti. Bien sûr que ce n’est pas seulement à cause des chaussures. C’est simplement dû en partie au nombre d’heures passées sur mes pieds. Et je ne porte pas des talons tout le temps; peut-être même pas la moitié du temps, particulièrement ces jours-ci. Plus je vieillis et plus j’étudie la posture, l’alignement et la biomécanique, moins je porte des talons hauts.

Alors, que dois faire une tanguera qui aime la mode? Danser avec des chaussures plates ou même de jolies chaussures de pratique à talon bas n’a tout simplement pas la même apparence ni la même sensation que de danser avec des talons hauts sexy. Le choix le plus éclairé que vous pouvez faire, et le plus sûr pour la santé à long terme de vos pieds et de vos articulations, c’est d’abandonner les talons hauts et de simplement danser avec des chaussures plates ou à talons bas. Mais si, comme moi, vous n’êtes pas prêtes à délaisser complètement vos chaussures sexy, je vous suggère ce qui suit :
  1. Variez vos chaussures de danse et la hauteur de vos talons. Changez souvent vos chaussures, environ toutes les deux heures si vous allez rester sur vos pieds plus longtemps que ça. Assurez-vous d’avoir au moins une paire de chaussures de pratique à talon bas dans votre collection. 
  2. Autant que possible, gardez vos chaussures à talons hauts pour les milongas. Passez le gros de votre temps de cours et de pratique dans des chaussures à talons bas, et ne portez pas du tout de talons hauts en dehors du tango afin de donner à votre corps autant de repos que possible. Dans la vie, tout est une question d’équilibre. Quelques heures par semaine ne vous causera probablement pas de tort si vous portez des chaussures raisonnables le reste du temps. (De plus, évitez de passer beaucoup de temps à porter des gougounes. Elles sont terribles pour vos pieds.)
  3. Assurez-vous que les chaussures à talons hauts que vous portez sont bien ajustées à vos pieds et sont suffisamment larges. Heureusement, les chaussures pointues à bout fermé ne sont plus à la mode. Les chaussures de type sandale que toutes les tangueras portent de nos jours donnent au moins de l’espace aux orteils pour bouger et s’écarter un peu.
  4. Assurez-vous d’entraîner votre corps à rester bien aligné, même dans vos chaussures de tango. Les hanches toujours au-dessus des talons. Pour faciliter ceci, les talons de vos chaussures devraient être juste en-dessous du talon de votre pied (pas trop en arrière) et devraient être stables. 
  5. Compensez le port de talons hauts en faisant régulièrement des exercices et des étirements pour vos jambes, particulièrement vos mollets, lesquels raccourcissent avec le port répété de talons hauts. Continuez à lire...
•Faites des exercices pour vos pieds afin d’améliorer leur force, leur flexibilité et leur mobilité.
Votre routine d'entraînement devrait inclure des exercices
pour étirer et renforcer les pieds.
  1. Faites des exercices pour les orteils, incluant lever les orteils pendant que vous êtes debout, écarter vos orteils et bouger chaque orteil séparément. Plusieurs personnes ne peuvent vraiment faire le dernier, mais avec de la pratique vous pouvez rééduquer les petits muscles requis et vous obtiendrez éventuellement des résultats. (Je travail régulièrement l’agilité de mes orteils et j’ai fait de bon progrès.) Mon professeur de yoga m’a même montré un exercice conçu pour réaligner le gros orteil avec la ligne centrale du pied, afin de prévenir ou corriger les débuts d’oignons.
  2. Faites des exercices pour renforcer et étirer la plante et l’arche des pieds. Les exercices de renforcement incluent chiffonner une serviette en utilisant vos orteils ou ramasser des billes ou d’autres petits objets en utilisant vos orteils. Vous pouvez aussi simplement replier vos orteils sans utiliser d’accessoire. Une bonne façon d’étirer vos pieds (voir l’image) est de vous agenouiller sur le sol et de vous asseoir sur vos talons (placez une serviette sous vos genoux) avec les orteils relevés en-dessous. Tenir 30 secondes ou aussi longtemps que vous pouvez le supporter. 
  3. Étirez régulièrement l’arrière de vos cuisses et vos mollets. Qui veut faire du Yoga?
  4. Masser la plante de vos pieds avec une balle de tennis. Il est préférable de le faire debout, ce qui permet de mettre une bonne pression sur diverses parties du pied. Si vos pieds sont trop sensibles au début, vous pouvez le faire assis sur une chaise. Ce massage fini par être agréable et imite un peu marcher pieds nus sur des surfaces inégales. Ce que faisaient nos ancêtres il y a bien longtemps mais que bien peu d’entre nous faisons.
  5. Dorlotez ces petits choux qui travaillent si fort. Trempez vos pieds douloureux dans de l’eau froide. Massez-les avec une lotion relaxante pour les pieds avant d’aller au lit. Offrez-vous un massage de pieds ou une pédicure.
  6. Marchez pieds-nus sur la plage. C’est excellent pour la plante des pieds … et pour l’âme.
La douleur ne s'en va pas?
Voyez un spécialiste.
•Si vous avez une douleur aigüe ou persistante, voyez un professionnel. Mon spécialiste de choix est un excellent physiothérapeute qui m’a aidé au cours des ans pour plusieurs blessures mineures. Vous pourriez préférer un podiatre, un ostéopathe ou autre spécialiste, mais si vous avez de la douleur, faites-la examiner. Savez-vous que 25% de nos os sont situés dans les pieds et les chevilles? Sans mentionner les 33 articulations, plus de 100 muscles, tendons et ligaments des pieds. C’est beaucoup de petits éléments qui peuvent se blesser.

Mon partenaire et moi avons eu notre part de maux de pieds avec des noms tels que hallux valgus, métatarsalgie, fasciite plantaire, fractures de stress et enchondrome. J’ai présentement une douleur et une raideur dans mes chevilles, alors la semaine prochaine je vais retourner chez le physiothérapeute. J’ai aussi des mollets tendus et très développés, ce qui limite ma flexibilité et ma mobilité. Je ne sais si c’est le résultat de tout le ballet que j’ai fait dans mon adolescence, le port de talons hauts au cours des années de tango, simplement la génétique ou une combinaison de tout cela, mais maintenant je me fais un devoir d’étirer mes mollets presqu’à tous les jours.

Pour ma part, j’ai maltraité mes pieds par mon style de vie, mais je m’assure de plus en plus de prendre un peu de temps chaque jour pour en prendre soin, afin qu’ils puissent prendre soin de moi et de ma danse au cours des années à venir.

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