Sunday 17 October 2021

Qui savait que les danseurs étaient si dangereux?



Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici

Qu’est-ce que notre gouvernement a contre la danse? J’ai posé cette question à maintes reprises, et je n’ai toujours pas reçu de réponse satisfaisante, en fait, pas de réponse du tout.

Pendant longtemps, j’ai pensé que nos dirigeants provinciaux étaient tout simplement ignorants de la simple existence de la danse sociale. Ils sont très certainement ignorants de ses nombreux avantages (plus à ce sujet plus tard). Mais maintenant, je suis devenu convaincue qu’ils ont réellement quelque chose contre elle et contre nous. La seule mention publique de notre secteur négligé lors d’une récente conférence de presse annonçant l’assouplissement des mesures Covid dans tous les domaines du divertissement, à l’exception de la danse, était quelque chose du genre: « Les jeunes qui dansent dans des discothèques, non, nous ne sommes pas encore prêts pour cela. »

Tout d’abord, pourquoi est-ce la seule image de la danse qui nous est présentée? Des bandes de jeunes irresponsables et ivres dansant toute la nuit, propageant leurs virus à toutes les autres personnes dans la pièce. Croyez-moi, je n’ai rien contre les clubs de danse ou discothèques, et je pense qu’il est temps qu’ils soient aussi autorisés à ouvrir, mais qu’en est-il des milongas (soirées de tango), les clubs de salsa, les événements de danse sociale, sans parler du swing, de la danse en ligne, de la danse carrée et autres. Des activités où l’objectif est de danser plutôt que de draguer ou de consommer de l'alcool.

En parlant de boire, qu’y a-t-il avec l’interdiction absolue de boire et de danser au même endroit? Depuis le début de la pandémie, les SAQ n’ont jamais fermé une seule fois. L’alcool est apparemment un service essentiel, dans le haut de la liste avec les épiceries, les pharmacies et la chirurgie cardiaque. Même les rendez-vous chez le dentiste ont été annulés au début de la pandémie et mon rendez-vous de mars 2020 avec mon médecin généraliste n’a toujours pas été reporté. Mais les ventes d’alcool gérées par le gouvernement n’ont jamais cessé, car que doivent faire les gens lorsqu’ils ne peuvent pas manger à l’extérieur, se faire couper les cheveux, socialiser, aller au gym ou même prendre une marche après 20 heures? (Je suis à peu près certaine que ma consommation de vin en soirée était responsable de la plupart des 15 livres que j’ai gagnées au cours des trois premiers mois de la pandémie - malgré le yoga quotidien, les promenades de chiens et l’enseignement en ligne.)

Finalement, les restaurants et même les bars ont été autorisés à rouvrir ... en autant que leurs pistes de danse restent fermées! Donc, quand il s’agit d’alcool, c’est tout ce que vous voulez et autant que vous pouvez en boire! Mais certainement pas de danse!

Aux fins de la réglementation sanitaire, les studios de danse ont été regroupés avec les gymnases dès le début. Donc, mon studio de tango est censé appliquer directement et de manière transparente les mêmes règles énoncées pour la musculation, courir sur un tapis roulant et des cours d’aérobie. Pendant ce temps, la danse a en quelque sorte été purement et simplement diabolisée avec les gymnases, en grande partie à cause d’un gymnase maintenant tristement célèbre de la ville de Québec qui est devenu un super-épandeur de Covid et a causé une des pires éclosions au pays. Maintenant, permettez-moi d’être claire, c’était un gymnase. Pas un studio de danse. De plus, un gymnase dirigé par un anti-masque bien connu qui n’a pas appliqué les mesures sanitaires ni la distanciation. Alors, ce gymnase était-il un bon exemple de la façon dont la danse sociale, ou même les gymnases, peuvent être dangereux ou à quel point un propriétaire d’entreprise anti-vax, anti-masque, irresponsable qui bafoue les règles peut être dangereux?

Alors que les niveaux de vaccination augmentent et que nous entrevoyons la fin de la pandémie de Covid, à peu près tous les pays/états/provinces/ villes du monde permettent à nouveau la danse sociale. Mais pas le Québec. Il y a eu un marathon de tango à Toronto la fin de semaine dernière, auquel des dizaines de Montréalais privés de danse ont assisté. La promotion de cet événement mentionnait que les participants devaient être vaccinés et, pour autant que je sache, aucune éclosion de Covid ne lui a été associée. La scène de tango de la ville de New York est de retour en pleine activité et, selon un article récent du New York Times, la Covid n’a pas commencé à se propager au sein de la communauté de tango. Presque tous les pays d’Europe (à l’exception peut-être de l’Italie et de la Belgique) autorisent maintenant la danse sociale.

Ici, à Montréal, depuis la semaine dernière, la distanciation sociale a été abandonnée dans les restaurants, les théâtres, les salles de concert et d’autres secteurs. Mais pas dans les studios de danse. Ainsi, vous pouvez maintenant avoir plus de 21 000 amateurs de hockey ou de musique qui crient assis côte à côte dans le Centre Bell pendant des heures à la fois, enlevant leurs masques pour manger leurs hot-dogs et boire leurs bières, mais les studios de danse sont toujours limités à 25 danseurs sobres et masqués. Si vous avez un énorme studio et que vous êtes ainsi autorisé à dépasser les 25 danseurs, vous ne pouvez autoriser aucun changement de partenaire et devez appliquer la règle de distanciation de deux mètres sans exception. Tout cela, pour les danseurs de tango, signifie une chose claire: pas de milongas.

Si des milongas – ici ou ailleurs – ou des événements similaires avaient été responsables d’importantes éclosions de Covid, je comprendrais un peu plus. Mais pour autant que je sache, les éclosions continuent de se produire dans les écoles, les lieux de travail et les résidences pour personnes âgées. Alors, pourquoi punir les danseurs?

Dans mon studio de tango, nous avons rouvert brièvement à l’été 2020 et depuis juillet dernier nous organisons des cours et des pratiques guidées. Nous suivons de près les règles extrêmement restrictives de distanciation/port du masque/vaccination et avons eu un total d’un élève qui a déclaré avoir eu la Covid en près de deux ans, mais il ne l’a pas attrapé ni transmis à notre école ni dans notre communauté. Alors, où est le terrible danger dans le monde de la danse? Je ne le vois pas.

Les bienfaits physiques et psycho-émotionnels de la dance sont bien connus. Il y a l’aspect exercice, l’aspect socialisation... Dans tous les cas, les avantages sont sûrement plus importants que ceux de vider une bouteille de vin pendant le souper ou de rester assis dans une salle de cinéma pendant deux heures et demie (par opposition à être sur un canapé devant Netflix).

Pourtant, d’une manière ou d’une autre, la danse, les danseurs et les entreprises de danse restent pris à la gorge tandis que le reste de la société est autorisé à s’ouvrir et à aller de l’avant.

Pour être clair: je suis pro-vaccin et mon partenaire et moi avons adhéré dès le début aux règles dans nos vies personnelles et professionnelles. Je ne pense pas que le port du masque, la vaccination et le soin de ma santé et de celle des gens autour de moi soit une atteinte inacceptable à ma « liberté ». Mais je crois que nous devons finalement apprendre à vivre avec ce virus et que si toutes les autres entreprises et tous les autres secteurs sont autorisés à aller de l’avant, nous devrions l’être aussi. 

Les restrictions sur la danse me laissent un sentiment d’exclusion, d’oubli, de colère, de frustration et d’impuissance. Qu’en est-il pour vous?

Friday 8 January 2021

Une lettre d'adieu à 2020


Cher 2020, 

Adieu et bon débarras! 

Tu ne vas pas me manquer, mais cela ne veut pas dire que je n'ai rien appris de toi. 

Tu étais difficile, stressant, grossissant et frustrant. Tu étais plein de perte, de solitude, de conflit, de controverse et de drame. 

Tu as creusé un fossé entre beaucoup d'entre nous alors que nous avons exposé pleinement nos sentiments et nos opinions à ton sujet. Grâce à toi et avec un peu d'aide des médias sociaux, nous avons publiquement partagé nos points de vue sur la politique et la science, exposant souvent avec colère des pensées et des sentiments comme jamais auparavant avec des amis, des collègues et des connaissances.

Cependant, les gens apprennent beaucoup de l'adversité et je ne suis pas différente. Alors, qu'est-ce que tu m'as appris? Qu'ai-je accompli avec toi et grâce à toi? 

J'ai appris à ralentir. C'était l'une des leçons les plus difficiles pour moi. Au lieu de remplir chaque jour d'autant d'heures d'enseignement, de pratique, de planification, de publicité, de gestion et de courses que possible, j'ai fait de longues promenades et de longues pratiques de yoga, j'ai lu des livres et regardé des émissions et des films, j'ai cuisiné et jardiné et dépensé plus de temps avec ma famille et mes animaux de compagnie. Bien sûr, j'ai travaillé aussi, adaptant mon entreprise à la nouvelle réalité au fur et à mesure qu'elle se déroulait et évoluait du mieux que je pouvais, mais même avec un enseignement en ligne (et un retour bref mais tellement bienvenue à l'enseignement en personne) et en gérant la tâche de garder notre école de tango à flot (rester en contact avec nos danseurs et chercher de l'aide financière) le rythme de ma vie quotidienne a considérablement baissé. Ralentir n'est pas facile pour quelqu'un comme moi qui a besoin de se sentir constamment utile et productive, mais je sais que cela m'a fait du bien. (Maintenant, je me demande même comment je vais recommencer à travailler 10 à 12 heures par jour cinq ou souvent six jours par semaine le moment venu.) 

J'ai appris à être patiente et adaptable. En mars 2020, je n'avais jamais donné de cours en ligne. Neuf mois plus tard, j'en ai enseigné une centaine. En mars, je ne pouvais pas imaginer porter un masque chaque fois que j'allais dans un lieu public, sans parler d'enseigner ou de danser avec un. Maintenant, j'ai fait tout cela d'innombrables fois et je n'y pense presque plus. (Est-ce que j'aime ça? Bien sûr que non. Mais je préfère porter un masque et pouvoir socialiser un peu que de rester enfermée plus que je ne le suis.) Je me suis habituée à faire la queue, à donner de l'espace en passant des gens dans la rue et à m'abstenir de donner des câlins ou des bisous à mes amis. Notre famille s'est adaptée à l'étrangeté de l'année scolaire de notre fille et au fait que nous soyons tous à la maison et dans l'espace de l'autre, bien plus que jamais auparavant. 

J'ai appris à quel point les gens peuvent être généreux. Mon partenaire et moi avons été submergés par l'effusion de soutien pour notre école de tango, MonTango. Il y a eu tellement de messages d'encouragement et de dons financiers de notre communauté pendant cet arrêt presque total des activités de danse sociale. En mars, nous espérions rouvrir en mai, puis en juin, puis en juillet. Nous avons ouvert partiellement en juillet, mais c'était extrêmement limité et de courte durée. Nous avions l'espoir d'un retour à la normale pour janvier, mais nous voici le début de janvier, fermés plus complètement que jamais avec des chiffres de Covid pires que jamais. Qui sait quand nous rouvrirons du tout, sans parler de quelque manière que ce soit qui ressemble à «normal»? Nous n'aurions pas survécu aussi longtemps sans le soutien de nos amis, étudiants et danseurs et cette réalité nous rend humble et grandement reconnaissant. 

J'ai appris à apprécier les petites choses. Si rien d'autre, l'année dernière a été un rappel de prendre le temps de s'arrêter pour sentir les fleurs et de ne rien prendre pour acquis. Je me suis retrouvée régulièrement à sentir de la gratitude pour ma santé, mon contact humain, un repas savoureux, une conversation avec un cher ami, le beau temps, la nature, la capacité de marcher, la présence de ma famille et bien plus encore. 

J'ai appris à vivre le moment plus que jamais. J'ai toujours cru que c'était l'une de mes qualités, mais la dernière année m'a confirmé qu'il faut vraiment saisir chaque opportunité, car demain vous n'auriez peut-être pas la chance. La vie est courte, fragile et imprévisible. Donc je n'ai pas attendu quand j'avais besoin d'une coupe de cheveux ou d'un massage, quand j'ai eu la chance d'enseigner un cours ou de rendre visite à un ami en personne, quand un défi d'écriture de livres est arrivé, quand nous avons eu la chance de passer quelques jours au bord du lac ou dans les montagnes. 


J'ai appris à lâcher prise. De l'intolérance et du jugement sur les modes de pensée des autres; de la frustration face aux décisions du gouvernement; de l'impatience face à tout, de l'attente de la fin de cette pandémie à l'attente dans les files interminables des épiceries. Colère, frustration, inquiétude, impatience: ce sont des émotions naturelles, mais tellement improductives, voire contre-productives, c'est donc un bon exercice de les remarquer, d'éviter de trop s'en prendre à elles et de les laisser partir. 

J'ai appris l'acceptation. Semblable à la leçon précédente, celle-ci s'est manifestée en acceptant mes amis et ma famille à la fois malgré et à cause de nos divergences d'opinions ainsi qu'en acceptant la réalité du jour, aussi désagréable ou incroyable qu'elle soit. Tout cela contribue à nous garder ouverts d'esprit, flexibles et, en fin de compte, plus généreux.

J'ai appris de nouvelles compétences informatiques. Plus de temps libre signifiait du temps pour acquérir de nouvelles compétences. J'ai donc appris à utiliser un nouveau programme informatique pour le «DJing», ce que j'avais l'intention de faire depuis des années, et, comme le reste de la planète, j'ai appris à «Zoomer».

J'ai appris à cuisiner de nouveaux plats. Moi aussi, j'ai fait beaucoup de pain, sans parler des biscuits, des gâteaux et des tartes et j'ai essayé beaucoup de nouvelles recettes, certaines plus réussies que d'autres et beaucoup d'entre elles végétaliennes. Je suis végétarienne (et végétalienne occasionnelle) depuis plusieurs années. En fait, ce mois-ci, je rejoins le mouvement Veganuary, donc pas de produits d'origine animale pour les 31 prochains jours (et peut-être plus)!

J'ai réappris à écrire. Mon retour initial à l'écriture, après une interruption de dix ans, remonte à six ans en 2014, lorsque j'ai commencé à écrire ce blogue. En 2017, je me suis fixée l'objectif ambitieux d'écrire 20 articles en une seule année - et je l'ai accompli. Ensuite, mon écriture a de nouveau diminué pendant quelques années. L'année passée, j'ai publié huit nouveaux articles et plusieurs traductions. Puis, en novembre, j'ai rejoint le défi NaNoWriMo (National Novel Writing Month) et j'ai écrit 50 000 mots d'un roman en 30 jours. Une semaine et 20 000 mots plus tard, j'avais terminé mon premier brouillon et maintenant j'ai terminé ma première réécriture. Je ne sais pas si mon roman sera publié un jour, mais le terminer est un grand accomplissement d'un objectif de toute une vie, donc je suis fière de moi-même!

Alors, voilà, 2020, dix leçons précieuses que tu m'as apprises. Merci pour toutes et je ne t'oublierai sûrement jamais, mais il était vraiment grand temps pour nous de nous séparer.

Sincèrement,

Andrea