Saturday 24 October 2020

Terminologie du tango

Un guide de quelques termes couramment utilisés dans le tango argentin. Cette liste est un travail en cours. N'hésitez pas à m'envoyer vos questions, corrections ou suggestions.


Abrazo. Câlin. L'enlacement ou l’étreinte du tango ou la position des bras dans la danse. Les danseurs peuvent utiliser un abrazo abierto, ou enlacement ouvert, en maintenant une certaine distance entre les hauts du corps, ou bien un abrazo cerrado, ou enlacement rapproché, avec contact entre les partenaires au niveau du torse. La danse rapprochée est plus difficile à maîtriser pour la plupart, mais elle a également tendance à être le choix préféré des milongueros et milongueras de haut niveau. Voir aussi Milonguero.

Adelante. Vers l'avant.

Adorno. Ornement, embellissement ou décoration. Parfois appelé dentelle en français. Les adornos sont des jeux de pieds ajoutés par l'un ou l'autre des partenaires pendant les paradas et les pauses ou entre les actions.

Apertura. Aperture ou ouverture. Utilisé pour décrire une salida de côté, spécifiquement avec la jambe gauche du guideur. Voir Salida.

Arrastre. Traîne. Voir Barrida.

Atrás. En arrière.

Balanceo. Balancement. Des transferts de poids partiels ou mini-rebonds, utiles pour éviter les collisions, jouer avec le rythme et faire des changements de direction dans les petits espaces. Peut aussi faire référence à un léger déplacement de poids d'un pied à l'autre sur place et en rythme avec la musique au début d'une danse. Aussi appelé cadencia.

Baldosa. Tuile. Voir Cuadrado.

Barrida. Balayage. Le pied d'un partenaire entre en contact avec le pied de l'autre puis le déplace vers une nouvelle position sur le sol sans perdre le contact. Aussi appelé arrastre.

Boleo. Parfois écrit voleo. Un mouvement où la jambe libre fait une projection ou un coup de pied vers l'arrière, vers l'avant ou enveloppant, normalement en réponse à un changement d'énergie ou de direction, le plus souvent un changement de pivot. Le mot vient probablement de boleadoras, un type d'arme à lancer faite de poids aux extrémités de cordes, autrefois utilisé par les gauchos pour capturer des animaux en emmêlant leurs jambes et maintenant utilisé comme instrument de percussion dans un type de danse folklorique argentine. Certains soutiennent que voleo est l'orthographe correcte, dérivant du mot volear, l'acte de lancer une volée en sports. Notez qu'il n'est jamais épelé (ou prononcé) «bolero», qui peut se référer soit à un genre entièrement différent de musique et de danse latines, soit à une veste courte inspirée de celles portées par les toreros espagnols.

Cabeceo. Hochement de la tête. Du mot cabeza, qui signifie tête. Il fait référence à la technique traditionnelle et non verbale du regard (mirada) et du mouvement de tête (cabeceo) pour inviter les partenaires de danse à distance dans les milongas. Voir également Mirada. Pour en savoir plus sur le cabeceo, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Cadencia. Voir Balanceo.

Calesita. Carrousel. Une figure dans laquelle le leader contourne sa partenaire tout en la gardant pivotante sur sa jambe d’appui.

Caminata. Marche. Généralement considérée comme le véritable pas de base du tango argentin. Les grands danseurs de tango sont appréciés avant tout pour la qualité de leur marche.

Candombe. Un type de danse à l'origine dansée par les descendants d'esclaves noirs dans la région du Río de la Plata et toujours vue à Montevideo, en Uruguay. La musique d'origine africaine a un rythme marqué joué sur une sorte de tambour appelé «tamboril». Il survit aujourd'hui comme fond rythmique de certaines milongas. Voir une prestation musicale du candombe moderne «Tango Negro».

Canyengue. Un style de tango très ancien du tout début du 20e siècle. La musique de cette période avait un tempo 2/4 plus rapide ou dynamique, de sorte que la danse avait une saveur rythmique similaire à celle de la milonga moderne. Un abrazo très rapproché a été utilisé ainsi que des éléments uniques de posture, d'étreinte et de jeu de pieds. Regardez un exemple de la danse canyengue ici.

Colgada. Littéralement, cela signifie suspendu. Dans le tango, c'est un type de mouvement hors axe en position «V», où les pieds du couple restent proches et les hauts du corps s’éloignent. L’équilibre des deux danseurs repose sur une force de contrepoids qu’ils exercent ensemble dans une direction opposée.

Cortina. Rideau. En tango, ça décrit le clip de musique de 30 à 60 secondes qui sert d’intermède entre les tandas ou les «sets» de musique. En principe, une cortina ne doit pas être dansée. On choisit donc un style de musique en dehors de l'univers musical du tango.

Cruce. Désigne la position croisée de base utilisée le plus souvent par la guidée, dans laquelle la jambe gauche croise devant la droite. À ne pas confondre avec le système croisé.

Cuadrado. Carré ou boîte. Parfois appelé baldosa, ou tuile. Une séquence de base en 6 temps composée de pas en avant, en arrière et de côté.

Enganche. Toute action d'accrochage de jambes. Semblable et souvent interchangeable avec gancho.

Enrosque. Vis. Un adorno dans lequel on pivote sur place en gardant les pieds croisés. Souvent fait par des guideurs de haut niveau pendant un giro.

Gancho. Crochet. Un mouvement dans lequel vous accrochez ou attrapez la jambe de votre partenaire avec la vôtre. Notez qu'il s'agit d'un «gancho» et non d'un «gaucho». Un gaucho est un cowboy argentin. 

Giro. Tour. Un partenaire, généralement le leader, tourne plus ou moins sur place pendant que la guidée fait une sequence appellée molinete autour de lui (ou d'elle). Voir aussi Molinete.

Guidée. Le partenaire dansant ce qui était traditionnellement le rôle de la femme. Aujourd'hui, nous trouvons des couples non traditionnels sur la plupart des pistes de danse, donc dans l'intérêt de l'inclusivité et du politiquement correct, ainsi que pour simplement refléter les réalités modernes, il y a eu un mouvement général pour cesser d'utiliser les termes «homme» et «femme» dans le contexte des rôles de danse de tango et d’utiliser des mots plus neutres comme «guideur» (ou «leader») et «guidée». Le problème est que ces mots limités sont des descriptions assez erronées de ce que sont les deux rôles. D’une part, les mots français ont un genre masculin et féminin alors qu’en anglais leader et follower n'en ont pas. D’autre part, ils donnent l'impression que la personne qui guide est le partenaire dominant et que celle qui suit est passive ou soumise. Les termes ne décrivent vraiment pas ce qui se passe réellement entre les deux partenaires. Le processus beaucoup plus complexe ressemble à ceci: le «leader» invite la «guidée» à exécuter un mouvement; la «guidée» exécute le mouvement qu'il ou elle a ressenti et le «leader» suit son partenaire à travers l'achèvement de ce mouvement, que ce soit ou non le mouvement qu'il ou elle a voulu, et tout le processus recommence. En plus, une guidée d'expérience peut influencer les choix de son guideur en ajoutant des adornos ou des interprétations musicales. Certains vont même jusqu'à dire que la «guidée» est en fait le vrai leader, car quelle que soit l’intention initiale du leader, il (ou elle) doit donner suite à l’interprétation et à l’exécution de son guide par son partenaire. Voir aussi Guideur.

Guideur ou Leader. Le partenaire dansant ce qui était traditionnellement le rôle de l’homme. Il y a eu un mouvement général pour cesser d'utiliser les termes «homme» et «femme» dans le contexte des rôles de danse de tango et d’utiliser des mots plus neutres comme «guideur» (ou «leader») et «guidée». Le problème, c’est que ces termes donnent l'impression qu'un rôle est plus dominant que l'autre et ils ne décrivent vraiment pas ce qui se passe réellement entre les deux partenaires, qui est beaucoup plus complexe et nuancé. C’est intéressant de noter que les termes «guideur» et «guidée» ne sont pas vraiment utilisés en espagnol. Lorsqu’on fait référence aux partenaires, souvent les professeurs hispanophones continuent à dire simplement «hombre» (homme) et «mujer» (femme), qui ne sont pas neutres sur le plan du genre, mais ont l'avantage de ne pas limiter les partenaires à un rôle actif et un rôle passif. Lorsqu'ils se réfèrent à l'action du leader, ils disent «marcar», ce qui signifie marquer ou indiquer, pas diriger. La femme ou guidée «acompaña» (accompagne) ou «se deja llevar» (se laisse guider), ce qui a une connotation moins passive et implique que c'est son choix. N'oublions pas qu'au début du 20ième siècle, quand il y avait beaucoup plus d'hommes que de femmes en Argentine, les hommes apprenaient le tango ensemble, pratiquant et maîtrisant les deux rôles avant d'avoir le privilège de danser avec une femme. Voir aussi Guidée.

Lápiz. Crayon. Des embellissements circulaires «dessinés» au plancher par un ou l’autre des partenaires.

Marca. Marque. Le guidage.

Milonga. Ce mot a un triple sens, donc il peut être mêlant pour les novices.
  1. Un des trois genres musicaux qui composent le tango argentin : tango, milonga et vals (valse). La milonga est jouée sur une mesure à 2/4. (Le tango peut être en 2/4 ou 4/4 et la valse est en 3/4.) La milonga est très rythmée, avec des temps fortement accentués, contient souvent un rythme "habanera" sous-jacent et est généralement plus rapide et plus joyeuse que la musique de tango. Elle a son propre style de danse pour l'accompagner, dans lequel les danseurs évitent de faire des longues pauses, restent la plupart du temps dans le système parallèle et utilisent souvent des pas à double temps, appelés traspié en milonga. La danse milonga utilise les mêmes éléments de base que le tango, avec un fort accent sur le rythme, et des figures qui ont tendance à être moins complexes que beaucoup de celles utilisées dans le tango. 
  2. Le nom donné à tout lieu dédié au tango argentin, normalement une école de danse où l'on tient également des activités dansantes comme des prácticas et des milongas.
  3. Le nom donné à un événement de danse social de tango argentin.
Alors vous vous habillez pour aller danser dans une milonga, où vous entendrez et danserez sur la milonga.
Cliquez pour regarder mon partenaire et moi danser une milonga à notre milonga.

Milonguero/Milonguera. Un danseur ou une danseuse qui fréquente les milongas (contrairement à un danseur de scène, par exemple). Généralement, on réserve la définition de milonguero/a pour les danseurs d'un certain niveau. Milonguero peut aussi faire référence à un vieux style de tango dans lequel le couple maintenait un abrazo tellement rapproché que la guidée ne pouvait pas vraiment tourner ses hanches, ce qui a donné naissance à des figures où des ochos pivotés sont remplacés par des pas croisés, comme le ocho cortado et le ocho milonguero.

Mirada. Regard. Jumelée au cabeceo, la mirada complète le système traditionnel et non-verbal pour la sélection des partenaires de danse dans la milonga. Voir aussi Cabeceo. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Molinete. Littéralement, cela signifie moulin, mais en danse, cela fait référence à la séquence qu'on appelle «grapevine». Fait de la série de pas avant-côté-arrière-côté (ou parfois avant-ensemble-arrière-ensemble), il est le plus souvent dansé en cercle par la guidée autour du leader pour faire un giro. Voir aussi Giro.

Ocho. Huit. Une combinaison de pivots avec des pas en avant ou en arrière qui, lorsqu'elles sont effectuées par paires, dessinent la forme d'un huit au sol. Il y a plusieurs sortes de ochos:
  • Ocho adelante. Huit en avant.
  • Ocho atrás. Huit en arrière.
  • Ocho cortado. Huit coupé. Le pivot en avant est interrompu pour produire un balancement de côté abrupt suivi d'un retour direct à la position croisée.
Parada. Arrêt. Le leader arrête l'action de la guidée plaçant simultanément son pied contre le sien. Souvent utilisé en combinaison avec le sandwich. Voir aussi Sandwich.

Pas de base. Voir Paso básico.

Paso básico. Pas de base. Alors que le véritable pas de base du tango argentin est généralement considérée comme la marche, cette structure en huit temps est utilisée comme séquence d'enseignement de base depuis des décennies. C'est une petite séquence remarquablement controversée. Encore utilisée par de nombreux instructeurs, elle est boudée par d'autres. Les partisans croient que c'est une séquence pédagogique utile qui contient des éléments essentiels, y compris les pas en avant, en arrière et de côté ainsi que la position croisée; les détracteurs disent qu'il est inutile d'enseigner un «pas de base» que les danseurs n'utiliseront pas comme tel dans la danse sociale réelle ou sur lequel ils deviendront dépendants, pouvant les empêcher d'apprendre à improviser comme il faut.

Práctica. Pratique. Un événement de danse tango moins formel qu'une milonga. Les codes de conduite et le suivi de la ronda sont généralement moins strictement appliqués pendant les prácticas, de sorte que les danseurs peuvent travailler sur leurs mouvements et leur technique, et parler en dansant est toléré. Il est généralement suggéré que les étudiants de tango fréquentent les prácticas pendant un certain temps avant de passer aux milongas. Lors d'une pratique, des enseignants peuvent ou non être présents et peuvent ou non diriger la pratique en suggérant ou en enseignant des exercices ou des figures.

Rebote. Rebond. Une action de balanceo où les danseurs reviennent en arrière, poussant contre le sol pour retourner à la position précédente.

Ronda. Littéralement, cela signifie un rond. Dans le tango, c'est ce que nous appelons habituellement la «ligne de danse» en français. La ronda du tango circule toujours dans le sens antihoraire autour de la piste de danse. On s'attend à ce que les couples suivent le flux général des danseurs devant eux, résistant à l'envie de couper devant les danseurs plus lents ou de rester à un endroit bloquant la circulation pendant que les autres continuent d'avancer. Sur les plus grandes pistes de danse, il peut y avoir plusieurs rondas à la fois, une sur le bord extérieur de la piste, généralement réservée aux danseurs plus expérimentés et disciplinés, et jusqu'à trois autres ronds plus petits à l'intérieur, comme des voies sur une piste de course. C'est mal vu de zigzaguer au hasard d'une voie à l'autre; les changements doivent être effectués en modération et avec prudence. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga. Pour en savoir plus, lisez mon article sur les codes et l'étiquette de la milonga.

Sacada. Du verbe «sacar» qui veut dire enlever. Dans le tango, un partenaire entre directement dans l’espace de son partenaire, obligeant apparemment le partenaire à changer de place et provoquant parfois un embellissement de la part de l’autre personne en cas de contact avec la jambe libre.

Salida. Littéralement ça veut dire sortie, mais ça fait référence au pas d'ouverture d'une danse ou d'une séquence.

Sandwich. Aussi appelé sanguche, sanguchito ou mordida (morsure). Pendant une parada,
un partenaire prend le pied de l’autre entre les siens. Voir Parada.

Sistema cruzado. Système croisé. Fait référence à la relation de marche entre les deux partenaires. Lorsque le leader marche en ligne avec son partenaire, nous l'appelons «système parallèle», essentiellement juste le système de marche normal avec les partenaires marchant en même temps, mais sur des jambes opposées: la gauche du leader et la droite de la guidée ou vice-versa. Dans le système croisé, les deux partenaires marchent en fait avec la même jambe, gauche et gauche ou droite et droite. Au moins 50% des figures utilisent le système croisé. Les ochos, par exemple, se déroulent le plus souvent en système croisé. Voir aussi Sistema paralelo.

Sistema paralelo. Système parallèle. Lorsque le leader marche en ligne avec sa partenaire, nous l'appelons «système parallèle», essentiellement juste le système de marche normal avec les partenaires marchant en même temps, mais sur des jambes opposées: la gauche du leader et la droite de la guidée ou vice-versa. En système parallèle, chaque partenaire est l'image dans le miroir de l'autre. Voir aussi Sistema cruzado.

Tanda. Une série de chansons pour danser. Généralement, les tandas durent trois ou quatre chansons. (Elles étaient parfois aussi longues que cinq, mais c'est rare de nos jours.) Les chansons sont toutes d'un genre particulier (tango, milonga ou vals) et sont le plus souvent toutes du même orchestre de la même décennie (parfois la même année) et peut-être avec le même chanteur. Les tandas peuvent également être composées de chansons par différents orchestres avec un son et une sensation similaires. Dans une milonga, le format est généralement le suivant: deux tandas de tango, une de vals, deux de tango, une de milonga et ainsi de suite.

Tango. La musique et la danse d'accompagnement originaires du Río de la Plata, les villes portuaires de Buenos Aires et de Montevideo, en Uruguay, il y a plus d'un siècle. Voir aussi Tango argentin.

Tango argentin. Synonyme de tango, la musique et la danse d'accompagnement originaires du Río de la Plata il y a plus d'un siècle. Nous spécifions le tango argentin pour le différencier du tango dansé en danse sociale ou «ballroom», qui a été radicalement transformé en quelque chose de très stylisé et voyant ainsi que standardisé.

Tanguero/tanguera. Un danseur ou une danseuse de tango.

Vals. Un des trois genres musicaux qui composent le tango argentin : tango, milonga et vals (valse). La valse est jouée sur une mesure à 3/4. (La milonga est en 2/4, le tango peut être en 2/4 ou en 4/4.) Les danseurs utilisent les mêmes pas et la même technique dans les vals que dans le tango, mais ont tendance à sélectionner des figures qui coulent, basculent et tournent, tout en étant rapides et rythmées, afin d'exprimer à la fois le sentiment et la structure rythmique de la musique. Ils utilisent le premier temps de la mesure comme rythme de marche de base, ajoutant des pas accélérés ou des embellissements sur le deuxième et/ou le troisième temps comme ils veulent. Voir un vals dansé ici.

Volcada. Littéralement, cela signifie renversé. Dans le tango, c'est un mouvement hors axe dans lequel la guidée s'incline en avant, soutenu par le torse ou les bras du leader. Habituellement, la «chute» vers l'avant est accompagnée d'un adorno de sa jambe libre.

Voleo. Voir Boleo.

Révision de texte: François Camus

Tuesday 20 October 2020

Vingt leçons de tango : 20ième leçon : Le meilleur travail du monde

Être DJ n'est qu'un des bonus inattendus de mon travail.

Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises en 20 ans de tango. Voici le dernier volet.

Leçon no. 20 : J'ai le meilleur travail que je puisse avoir.

Quand j'étais petite, je voulais être actrice, danseuse et écrivaine. Le chemin de ma vie n'a pas été en ligne droite, et ce que je pensais que ces choses signifieraient était assez différent de ce qu'elles se sont avérées être. Mais près d'un demi-siècle plus tard, je me rends compte que le travail que j'ai aujourd’hui inclut toutes ces choses et plus encore.

Dans mon école de tango, je porte les chapeaux de professeur de danse, de propriétaire de studio, d'organisatrice de milonga, de danseuse de spectacle, de productrice de spectacle, de DJ et, bien sûr, de blogueuse. Tout cela signifie que je travaille assez dur la plupart du temps, mais comme j'aime ce que je fais, souvent cela ne me semble pas vraiment être du travail.

Comme je l'ai mentionné dans un article récent, faire affaire dans le domaine du tango n'est pas toujours facile. Mais je me considère chanceuse de faire ce que je fais, car mes journées sont remplies de plein de choses :

Danser. Comme je l'ai dit, j'ai toujours voulu être danseuse. J'ai suivi mon premier cours de ballet à l’âge de 4 ans, et même si j'ai abandonné le rêve de devenir ballerine puis délaissé complètement le ballet à la fin de l'adolescence, je n'ai pas arrêté de danser depuis. Le fait que je puisse danser tous les jours me garde heureuse et en bonne santé, corps et âme.

Enseigner. J'ai grandi avec une peur intense de parler en public et, dans ma jeunesse, je n'ai jamais, jamais imaginé que je deviendrais enseignante. J'ai commencé à enseigner grâce à ma précédente carrière en journalisme. J'étais la principale formatrice de la salle de rédaction sur les nouvelles technologies au journal où je travaillais, et pendant des années, j'ai donné un cours universitaire sur la conception de journaux. Au début, tout cela était terrifiant pour moi, mais j'ai appris à aimer enseigner et les gens n'arrêtaient pas de me dire que j'étais bonne dans ce domaine. L'enseignement est à la fois stimulant et gratifiant et je peux vraiment dire que cela me passionne. Une fois que j'ai commencé à enseigner le tango, eh bien, je savais vraiment que j'étais sur une piste.

Connecter avec des gens. Au-delà de la danse elle-même, c'est ce qu'est le tango. J'aime les gens, toutes sortes de gens et le tango regorge de relations humaines variées, souvent intenses, fascinantes et satisfaisantes.

Construire une communauté. Mon partenaire et moi n'avons pas forcément planifié cet aspect lorsque nous avons lancé notre petite école de tango, mais nous avons réalisé assez tôt que nous n'enseignions pas seulement aux gens à danser, nous construisions une communauté et nous facilitions donc la création de toutes sortes de relations. J'adore voir des amitiés et des partenariats se former autour de moi et en partie, grâce à moi.

Organiser des fêtes. Pendant mon adolescence et ma vingtaine, j'adorais organiser des fêtes. C'était assez simple pour moi : fournir une table pleine de nourriture, beaucoup de musique de danse bruyante et inviter tout le monde à qui je pouvais penser. J'ai adoré planifier la nourriture, préparer la musique et la liste des invités. Donc je suppose qu'il est parfaitement logique que j'aime animer et être DJ de milongas chaque week-end.

Produire des spectacles et exécuter des numéros. Si j'avais commencé le tango et m'y étais plongée à temps plein à un plus jeune âge, j'en aurais probablement fait davantage sur ce plan. Malgré ma timidité, j'adore faire des prestations et l’expérience de produire des spectacles, avec la créativité et l'excitation des coulisses, est absolument exaltante.

Être DJ. C'est un autre bonus inattendu de mon travail. Du mixage de cassettes aux CD en passant par les listes de lecture iTunes, j'ai toujours aimé assembler de la musique, que ce soit pour les sessions d’entraînement, écouter dans la voiture et surtout, faire danser les gens lors d'une fête. Maintenant, je passe des heures à chercher de la musique de tango, traditionnelle ou alternative, et à assembler des tandas.

Travailler pour moi-même. Encore une fois, pas toujours facile, mais tellement satisfaisant. Il serait difficile pour moi de retourner travailler pour quelqu'un d'autre à ce stade. Ce n'est pas que j'aime tellement être le patron, je ne pense pas du tout que je suis très boss, mais j'aime bien être mon propre patron.

Travailler sur moi-même. J'ai toujours été active. Le tango m'aide à rester en forme et mobile, consciente de ma posture et de l'effet que tout ce que je fais a sur mes partenaires. Mais il faut plus que du tango pour se maintenir en forme pour la danse et pour la vie. En plus de ma vie en danse, je cours régulièrement depuis 25 ans. (J’essaie toujours d'abandonner parce qu’avec tout le tango que je fais, c'est trop dur pour mes pieds meurtris. Mais c'est difficile d'y renoncer car je ne me sens tout simplement pas la même quand je n’ai pas fait cet intense effort cardio.), l'un des dérivés les plus marquants de ma carrière de tango a été la découverte du yoga. Je m’y suis mise il y a quelques années pour essayer d'augmenter ma flexibilité. J'ai rapidement gagné non seulement de la flexibilité, mais aussi une amélioration de ma force et de mon équilibre, une toute nouvelle compréhension de la posture, de l'alignement et de mon propre corps, ainsi qu’une nouvelle compréhension de moi-même. Depuis, je me suis plongée de plus en plus dans le yoga, explorant les aspects qui vont au-delà des poses physiques et obtenant plus tôt cette année, mon certificat d'enseignement.

Bloguer. Comme je l'ai dit, j'ai toujours voulu être écrivaine. L'anglais a été ma matière la plus forte et ma préférée au secondaire. Mes études postsecondaires étaient toutes liées aux langues et à la littérature. J'ai étudié la traduction pendant un certain temps et travaillé comme réviseur pendant plusieurs années. Pendant ce temps, j'ai écrit, mais rien de régulier. Il y a trois ans, j'ai réalisé qu'avec toutes mes observations sur le tango et toute la réflexion analytique que j'en faisais, je devrais probablement commencer à en écrire une partie. J'ai donc franchi le pas et écrit mon premier article de blog, et maintenant j'ai en fait une suite! Ce blog m'oblige à écrire régulièrement et les gens lisent mes trucs. Cool!

Être propriétaire d'une petite entreprise n'est pas toujours facile. Et parce que le business du tango me tient à cœur, il peut être aussi bien difficile émotionnellement que financièrement. Mais les récompenses de faire ce que j'aime compensent le fait que je travaille de longues heures tardives et que je ne gagne pas beaucoup d'argent.

Quand j'envisageais de quitter ma carrière pour démarrer une école de tango, ma mère et mon conseiller financier m'ont dit de ne pas le faire. J'avais de jeunes enfants, des avantages sociaux, un régime de retraite et des dettes. Ouvrir une petite école de danse alors que je poussais 40 ans n'était pas un choix judicieux. Alors je l'ai fait. Je ne pouvais ignorer les larmes que j'avais versées et le douloureux vide que j'avais ressenti dans mon estomac à l’idée de ne pas saisir ce qui était probablement la dernière opportunité de poursuivre les rêves de toute ma vie. J'avais le soutien total de mon partenaire et des réserves d’argent pour tenter de réussir pendant une année, alors nous nous sommes tenus la main et nous avons sauté, emmenant notre jeune famille avec nous.

Dans quelques mois, notre école de tango fêtera ses 10 ans. Aussi difficile et exigeant que cela ait été par moment, je n'ai jamais regretté d’avoir fait le saut il y a dix ans, mais je sais avec une certitude absolue que si je ne l'avais pas fait, je le regretterais chaque jour.

Quand je prépare des tandas pour une milonga à venir, que je ris avec les étudiants lorsque je les aide à exécuter un mouvement difficile ou que je me mêle aux danseurs d'une milonga que j'anime, je n'en reviens toujours pas de la chance que j’ai de faire ce que je fais.

La leçon avec laquelle je vous laisse est la suivante : si vous avez une passion, suivez-la. Et ne laissez pas la peur vous retenir.

Article précédent : Leçon no 19. Le tango est un voyage de découverte de soi.
Lire la série depuis le début.


Monday 12 October 2020

Vingt leçons de tango : 19ième leçon : Apprendre à se connaître

La piste de danse de tango est l'un 
des rares endroits où je peux 
vraiment lâcher prise.
Traduit par François Camus
Lire la version originale en anglais ici.

En 2017 j'ai souligné mes 20 ans en tango en écrivant une série de 20 articles, ou leçons, que j’ai apprises par l’intermédiaire de cette danse, dont plusieurs sur moi-même.

Leçon n ° 19. Le tango est un voyage de découverte de soi. Tout comme nous en apprenons beaucoup sur les autres grâce à leur façon de danser, nous pouvons aussi en apprendre beaucoup sur nous-mêmes.

Étudier la danse, c'est autant développer une conscience que développer des compétences spécifiques. Nous découvrons nos corps en travaillant avec eux et nous nous découvrons nous-mêmes.

La conscience corporelle est la capacité de comprendre comment nos corps bougent et où ils se trouvent dans l'espace. Des disciplines physiques telles que la danse requièrent et améliorent notre proprioception, qui est le sens qui nous permet de contrôler les parties de notre corps sans les regarder.

La conscience de soi, c'est avoir une perception claire de notre personnalité, y compris nos forces, nos faiblesses, nos pensées, nos croyances, nos motivations et nos émotions, puis d’en prendre le contrôle. Le tango peut également nous aider à développer cette compréhension.

Donc, pour progresser en tango, nous devons savoir non seulement quelles sont nos forces, faiblesses et tendances physiques, mais aussi nos forces psycho-émotionnelles: suis-je réceptif? Réactif? Défensif? Passif? Impatient? Est-il facile pour moi de m'affirmer? De lâcher prise?

Voici quelques-unes des choses que j'ai apprises ou confirmées sur moi-même au fil des ans, avec un peu d'aide du tango :
  • J'aime l'intensité. Je suis convaincue que c'est l'une des principales qualités qui m'attire dans le tango. Pas vraiment une personne du genre tiède, j'aime la nourriture riche, le café fort, le vin corsé, les films d'horreur, la musique forte, les douches chaudes et les entraînements exigeants. J'aime aussi les relations humaines intenses : je ne suis pas passionnée par les petites conversations, j'aime la conversation profonde, ou une tanda profondément connectée. Les danseurs de tango sont un groupe très éclectique et je me suis souvent demandée si l'un des fils communs qui nous lient ensemble est un désir de sensations ou de connexions intenses.
  • Le tango me permet de lâcher prise. C'est l'un des autres principaux intérêts de la danse pour moi. La paix de l’esprit ne me vient pas facilement. Je suis une personne occupée dont le cerveau occupé peut me tenir éveillée la nuit pendant des heures. Je m'inquiète et je stresse … jusqu'à ce que j'arrive sur la piste de danse, où la musique, le mouvement et le contact humain se combinent pour constituer ma grande évasion. Sur la piste, dans les bras d'un danseur, au rythme d'une belle musique, tout disparaît sauf l'ici et maintenant. Non seulement est-ce totalement agréable, mais c'est aussi, je crois, extrêmement thérapeutique.
  • Je vais avec le courant. J'ai toujours aimé les surprises et je suis tout à fait capable de prendre la situation qui m'est donnée et de courir avec. Je roule avec les coups, pour ainsi dire. Cela fait de moi une guidée naturelle, car je ne pense pas trop à ce qui se passe et je suis assez douée pour accepter ce qui vient, aussi inattendu que ce soit. Je pense que tout cela fait de moi un guideur patient, car je ne suis pas trop attachée au passé ou au plan pré-établit.
  • Je peux être un guideur patient, mais il m'a fallu du temps pour prendre confiance. Comme je l'ai mentionné dans mon article de blog sur l'affirmation de soi, il est important d'avoir des intentions claires, dans la vie et dans le tango. Sachez ce que vous voulez, dites ce que vous voulez, poursuivez ce que vous voulez. Aucune de ces compétences ne me vient naturellement, mais le tango et l'enseignement m'ont aidé à les développer. De plus, je suis allée chercher ce que je voulais quand mon partenaire et moi avons ouvert notre école, MonTango, il y a dix ans, et elle est depuis devenue l'un des principaux lieux de tango de la ville. Cela m'a appris que les rêves valent la peine d'être poursuivis.
  •  Je ne m'intègre pas toujours. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles j'aime être l'hôte, le professeur, le DJ est que, si je ne suis qu'une participante, je me sens parfois un peu inadaptée. Et j'ai toujours ressenti cela : tout au long de mon parcours scolaire et dans ma carrière précédente, je n'ai jamais fait partie du groupe "in" ou de la clique cool. Je n'ai jamais su faire semblant d'être comme tout le monde, d’agir d'une certaine manière ou de dire les « bonnes » choses pour faire partie du « bon » groupe. Ne vous méprenez pas : j'avais des amis, un petit groupe d’amis très proches, et je m'entendais toujours avec la plupart des gens; bien qu’étant un peu à l’extérieur, je n'ai jamais été une paria. Parfois, je me demande si ce n'est pas un autre fil conducteur du tango, dans ce monde il y a tant de personnages étranges (et merveilleux) qu'il ressemble parfois à une réunion d'inadaptés. Mais là encore, il y a des cliques dans le tango. Je n'en fais tout simplement pas partie et ils ne prospèrent pas dans mes milongas. Je pense que ce que j'ai compris, c'est que dans le tango comme dans la vie, je préfère toujours l'inclusivité à l'exclusivité.
  • Mes limites existent pour être repoussées. Parfois, je pense que j'aimerais vivre une vie plus simple et plus calme. Mais chaque fois que je cherche quelque chose de simple, je finis par aller plus loin que prévu. Cela est évident dans mon parcours dans le tango : non contente de danser, j'ai commencé à enseigner; non contente d'enseigner, j'ai ouvert ma propre école; non contente d'enseigner et de diriger une école, je joue et produit aussi des spectacles, DJ, blog… Et, bien sûr, j'ai continué ma propre formation en danse, en mouvement et en enseignement, prenant des leçons privées chaque fois que possible, apprenant à guider et obtenant une certification d’instructeur de fitness et maintenant d’instructeur de yoga. Je ne sais pas quelle sera ma prochaine grande étape, mais je sais qu'une fois que je serai à l'aise où je suis, je n'y resterai pas longtemps.
  • Je ne croirai jamais que je suis suffisante. Je pense que le désir continu d'apprendre, d'avancer et de grandir est une bonne chose, mais dans mon cas, c'est aussi un signe que dans tout ce que je fais je n'ai jamais l'impression d'en faire assez ou que je suis assez bonne. Par exemple, je ne serai jamais la danseuse que je veux être. C'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Cela signifie que je suis parfois très abattue, surtout après avoir regardé ma performance. Mais cela signifie aussi que je me pousse plus fort à chaque fois et donc, je peux l'admettre, je m'améliore.
  • J'adore enseigner. Je n'ai peut-être pas l'impression de devenir la danseuse que je m'efforce d'être, mais je sais que je suis un bon professeur, et c'est parce que je suis aussi passionnée par l'enseignement que par la danse. Je pense que je suis un professeur deux fois meilleure (ou plus) que je ne l'étais quand j'ai commencé, et j'ai l'intention de continuer ma croissance. Toutes les leçons que j'ai mentionnées ici, et plus encore, m'ont appris à mieux enseigner aux autres.
Alors, qu'avez-vous appris à travers le tango? Cela vous a-t-il aidé à grandir et à évoluer en tant que personne et en tant que danseur? Cela vous a-t-il ouvert les yeux sur quelque chose que vous ne saviez déjà sur vous-même?

Prochain article : Leçon n° 20. J'ai le meilleur travail du monde.
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