Traduit par André Valiquette
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Il est entendu que certaines aptitudes physiques facilitent l’apprentissage du tango (c’est vrai pour toutes les danses) : force, souplesse, équilibre, coordination, conscience corporelle, posture adéquate et sens du rythme, pour n’en nommer que quelques-unes.
Mais le tango se danse à deux, alors cela
prend davantage qu’un port altier ou une démarche assurée pour devenir le
danseur de tango qu’on s’arrache : il faut aussi acquérir des habiletés de
communication interpersonnelle, qui ont plus à voir avec qui vous êtes qu’avec
ce que vous pouvez accomplir.
Voici huit traits de personnalité qui vous permettront
de devenir non seulement un meilleur danseur, mais aussi un partenaire extraordinaire.
Patience :
Nous savons tous que la patience est une vertu – et ce vieux dicton demeure vrai sur le plancher de danse. Nous devons d’abord être indulgents avec nous-mêmes si nous voulons apprendre à danser et le mettre en pratique. Le tango argentin est une danse exigeante qui demande beaucoup de concentration et d’entraînement. Je suis la première à dire que le tango est à la portée de tout le monde, mais nous pouvons apprendre de différentes façons et à différents rythmes, alors pour ceux qui se débattent avec cela (c’est-à-dire beaucoup de monde), l’impatience – et la frustration qui l’accompagne – est souvent une cause d’abandon.
Donc, ça ne fonctionnera pas si nos
partenaires sont impatients avec nous. Ce qui veut dire qu’il nous faut être
patients, pas seulement avec nous-mêmes, mais aussi avec nos partenaires. C’est
un peu facile de blâmer l’autre pour les « erreurs » que l’on fait
lorsqu’on danse. Avant de lâcher un soupir, rouler de gros yeux ou faire des
petits commentaires agacés, nous devons nous rappeler que si nous sommes en
apprentissage, ils le sont aussi.
Et c’est vrai pour chacun d’entre nous,
depuis toujours. Bien sûr, c’est plus facile après dix ans qu’après dix
semaines, mais nous n’avons jamais fini d’apprendre et de renforcer nos
habiletés. La patience nous donne une capacité de laisser aller nos idées
préconçues et de nous laisser porter par le moment présent, en passant
par-dessus nos « erreurs » et celles de notre partenaire, des erreurs
qui n’en étaient pas vraiment, tout juste des moments bien humains de manque
dans la communication qui peuvent facilement se transformer en occasions de
transformation et de créativité.
La patience va aussi nous aider à suivre la
musique, et du même coup à en tirer davantage de plaisir, et d’accompagner la
communauté des danseurs sur le plancher de danse plutôt que de prendre de la
vitesse et de faire du slalom le long de notre ligne de danse en coupant les
autres danseurs.
Confiance :
Cette qualité n’est pas évidente, mais c’en est aussi une grande. Si nous voulons atteindre une connexion profonde, nous devons faire confiance à notre partenaire.
Pour les guides, cela signifie d’admettre
que notre partenaire est capable non seulement de nous suivre, mais aussi de danser. Avoir confiance dans ces deux
aspects entraîne que nous pourrons guider avec assurance et non avec
hésitation, en étant clairs et en laissant notre partenaire chercher le contact
avec nous et la musique. Également, si nous faisons confiance à notre
partenaire, nous allons éviter l’erreur courante de « surguider ».
Rappelez-vous, la responsabilité du guideur n’est pas d’amener son (ou sa)
partenaire du Point A au Point B, mais de l’inviter
et de lui permettre de faire ses pas.
Pour les guidées, nous devons faire
confiance à notre partenaire pour guider quelque
chose. Si je n’accorde pas ma confiance à mon guideur, je vais faire ce que
je pense qu’il (ou elle) veut que je
fasse plutôt que ce qui est vraiment guidé. Je n’ai pas besoin de savoir ce que
mon leader est en train de penser, seulement ce qu’il est en train de faire.
Donc, nous devons faire confiance à l’autre tout comme nous devons nous faire
confiance. Si les leaders ont besoin de faire confiance aux guidées afin d’être
clairs, ils ont aussi besoin d’avoir confiance en eux-mêmes, sinon, encore une
fois, ils vont hésiter et transmettre cela à leur partenaire.
Pour les guidées, elles ont besoin de se
faire confiance pour faire ce qu’elles ressentent et pour enchaîner un pas à la
fois. Cela a l’air simple, mais trop de guidées se remettent en question
constamment, se demandant, « Était-ce correct? » « C’était quoi
ce mouvement qu’on vient de faire? » ou « Qu’est-ce qui s’en
vient? ». Des questions inutiles à mesure qu’elles nous viennent à
l’esprit. Aussitôt qu’un pas est amorcé, c’est joué et on ne peut revenir en
arrière. Correct ou erroné, voulu ou non, ça ne sert à rien de vouloir en
juger. Tout ce qu’un partenaire peut faire, c’est de poursuivre à partir de là,
et c’est ce que le tango est censé être. Si on peut accepter cela, on va moins s’en faire et danser
davantage.
Assurance :
Dans la même optique qui nous amène à nous faire confiance, l’assurance nous aidera à guider ou à suivre avec grâce et clarté et sans hésiter ou douter de nous-mêmes. Ce n’est pas toujours un trait de caractère facile à acquérir s’il ne s’affirme pas naturellement, mais cela peut venir avec le temps. Nous pouvons, évidemment, aider les autres danseurs à gagner de la confiance en eux en leur faisant confiance et en étant patients, entre autres. Et bien sûr, avec la pratique et un travail assidu vient une maîtrise grandissante de la danse, laquelle devrait mener à plus d’assurance. Lorsqu’on a conscience que l’on sait ce que l’on fait, cet état d’être se transmet à nos partenaires et les aide à nous faire confiance.
Mais nous n’avons pas besoin de beaucoup de
vocabulaire ou d’années d’entraînement pour être capables de guider ou de
suivre; c’est possible et encourageant d’élever son niveau de confiance à
partir de la base qu’on a acquise. Les danseurs qui ont de l’assurance attirent
plus de partenaires et, en retour, ils les aident à améliorer leurs capacités
et à acquérir plus de confiance, ils gardent plus de partenaires réguliers,
ainsi de suite.
Mais il faut distinguer la ligne de démarcation
entre assurance et arrogance. Une véritable assurance à propos de ce que nous
savons ne signifie pas que nous devrions croire que nous ne pouvons pas faire
d’erreurs ou qu’on est meilleur que tout le monde.
Sens de l’humour :
Si nous voulons améliorer notre danse, nous devons nous y consacrer sérieusement, mais sans pour autant nous prendre trop au sérieux.
Le tango est une danse d’improvisation,
donc cela ne va pas toujours selon le plan établi, et ça ne devrait d’ailleurs
pas aller selon un plan établi.
Presque chaque danseur s’est déjà rendu
coupable d’un mouvement d’impatience momentané envers son partenaire ou envers
lui-même ou bien en s’excusant trop lorsque des « erreurs » sont
faites. Plusieurs danseurs ont aussi la fâcheuse habitude de signaler chaque
erreur ou d’expliquer ce qui aurait « dû » être fait.
Encore une fois, les erreurs, souvent, n’en
sont pas, donc, elles n’ont pas besoin d’être mentionnées, normalement. Mais
même lorsqu’une erreur de communication est flagrante et, sans conteste,
maladroite, c’est du tango et on est censé le danser pour le plaisir, alors,
pourquoi ne pas simplement en rire? Souriez, soyez indulgent envers votre
partenaire, ne vous culpabilisez pas. Ainsi, tout le monde pourra relaxer et
aller de l’avant plutôt que de repenser à des moments difficiles qui ont amené
un inconfort qui pourrait perdurer lors de prochaines danses ou toute la
soirée, qui autrement aurait pu bien se passer.
Passion :
C’est du tango, après tout. Il est assez rare de rester tiède vis-à-vis du tango si on s’accroche assez longtemps pour être capable de le danser. Il est communément admis que le tango est la plus complexe des danses de couple, à cause de sa position rapprochée, de son étreinte assez intime et de son caractère improvisé, alors nous avons besoin de lui consacrer pas mal de temps si nous voulons approcher un niveau relativement avancé. Une fois par semaine n’est pas assez, les leçons doivent êtres combinées avec des périodes de pratique et de danse en milongas, en fait six mois d’expérience ne sont rien. Alors, si nous avons envie de dépenser une part significative de notre temps et, oui, de notre budget dans le tango, c’est que cette activité nous passionne. Par ailleurs, la passion rehausse la qualité de notre danse au-delà de la maîtrise technique et d’un bon sens du rythme. Les spectateurs le captent et, naturellement, nos partenaires le ressentiront aussi.
Générosité :
Les danseurs talentueux sont populaires, pour des
raisons évidentes, et bien sûr, les danseurs jeunes et attirants aussi. Mais il
y a un autre type de danseurs qui ont du succès : les danseurs
sympathiques. Si je danse avec vous et que j’ai du plaisir, je vais sûrement
chercher à répéter l’expérience, et mieux, je vais passer le mot. Beaucoup de
facteurs peuvent contribuer à mon plaisir, parmi lesquels le niveau d’habileté
et de sens de la musicalité, mais les danseurs qui donnent le plus de plaisir
sont ceux qui font attention à leur partenaire. Si nous prenons soin de nos
partenaires – en s’adaptant à leur niveau et en les faisant se sentir
confortables avec leur performance, en ignorant les erreurs ou riant des petits
faux pas, en n'utilisant pas les partenaires comme des boucliers ou des armes
sur le plancher de danse – ils reviendront danser avec nous de nouveau. Les
gens qui ont une attitude généreuse font passer les autres avant eux-mêmes; les
danseurs de tango qui ont cette qualité font passer le plaisir de leur
partenaire et leur bien-être avant le leur. Et cela leur est rendu, parce qu’un
danseur qui rend ses partenaires heureux est à coup sûr un danseur heureux.
Une
bonne capacité d’écoute :
Dans la vie comme dans le
tango, les meilleurs communicateurs sont des gens qui savent écouter. Les
guidées se font expliquer dès le départ qu’elles doivent suivre - ou être à
l’écoute - de leur partenaire. Cela vient naturellement à plusieurs d’entre
elles, et pas si facilement à d’autres. Avec le temps, les guidées apprennent
que leur rôle va bien au-delà de simplement suivre et qu’elles ont avantage à
s’exprimer dans la danse. C’est là que le vrai plaisir commence, mais ceux qui
l’apprennent dans cet ordre – écouter d’abord et ensuite s’exprimer –
deviennent les meilleures. Ceux qui « parlent » trop et écoutent peu
tendent à deviner et à anticiper et n’établissent pas cette connexion qui
autrement serait si agréable à éprouver dans la danse.
Quant aux guides, ils ont appris à guider, mais ce que souvent ils ne
voient pas est qu’ils ont aussi besoin de suivre. Le leader invite sa
partenaire à faire un pas, la laisse s’engager dans ce mouvement et ensuite
l’accompagne dans son déplacement, ou, en d’autres mots, lui permet de parler
et écoute ce qu’elle a à dire. Dans ce sens, le leader s’assure de permettre à
sa partenaire de compléter un mouvement avant de suggérer un nouveau pas. Que
penser de ces leaders très contrôlants, qui font sentir aux guidées que leur
rôle est passif? Ces guides sont ceux qui n’écoutent pas. Les leaders attentifs
sont ceux qui permettent à leurs partenaires de s’exprimer, d’embellir la danse,
et de contribuer à dessiner la
musique. Ce sont ceux qui apportent le plus de plaisir et de bénéfices à leurs
partenaires, qu’elles soient débutantes ou plus avancées.
Présence :
La présence, au sens physique, est essentielle pour les danseurs de tango. Un leader passif est difficile suivre, de même qu’une guidée passive sera ennuyante. Les danseurs font souvent allusion à la « résistance » ou à la « pression » qu’ils ressentent de leur partenaire. Je n’aime pas ces deux qualificatifs, car ils sous-entendent que, d’une certaine façon, nous bloquons ou poussons nos partenaires. À mon sens, le mot adéquat est plutôt « présence » qui traduit l’idée que nous devons être vigoureux dans notre danse, tout en recherchant un échange d’énergie avec notre partenaire.
Mais il y a un autre type de présence qui
est très aidante pour les danseurs de tango, et c’est l’art de vivre pleinement
et complètement le moment présent. Si on pense au prochain mouvement, en
ajustant notre position vers ce mouvement attendu ou bien si nous nous jugeons
nous-mêmes ainsi que notre partenaire, nous ne serons pas vraiment présents et
notre connexion sera pauvre. L’une des choses que je préfère en tango est de
m’abandonner à la danse, peut importe ce qui vient d’arriver ou ce qui suivra.
J’irais même jusqu’à dire (et je ne suis pas la première à le dire) que j’entre
dans un état méditatif quand je danse le tango argentin. Ceux qui on un don
pour vivre le moment présent pourront se sentir plus facilement à l’aise dans
le tango, et ceux pour qui ce n’est pas inné pourront y trouver une voie pour
s’abandonner davantage.
Si vous avez certaines des qualités que
nous venons de discuter, vous pourrez assimiler plusieurs dimensions du tango
facilement. La bonne nouvelle, c’est que le tango vous permettra éventuellement
de développer certaines de ces habiletés que vous ne possédez pas
naturellement, mais qui vous seront utiles pour d’autres domaines de votre vie.
(Après tout, la vie est un tango, n’est-ce
pas?)
Merci , fort intéressant .je vais faire fructifier tout cela ..
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